Wednesday, October 22, 2014

DIDEROT : SÛRETÉ, SÉCURITÉ


« ...la sécurité de ses droits...» — Diderot


AM | @HDI178

Avons-nous oublié que la sécurité personnelle était le principal souci des philosophes dans les années 1770s? J'ai déjà fait référence à Raynal [voir] et à Smith [voir]. Voici quelques phrases de Diderot à ce sujet.

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. « La première condition d'une société n'est pas d'être riche, mais c'est d'être en sûreté. » Apologie de Galiani, p. 135 (*).

.  « Quel singulier effet de la liberté et de la sécurité ! » Mélanges pour Catherine II, p. 348.

. « Un bonheur constant qui tient à la liberté, à la sûreté des propriétés...» Mélanges pour Catherine II, p. 349.

. «...mes amis, qui ne voyaient plus de sûreté à Paris pour moi. » Mélanges pour Catherine II, p. 349.

. « Il faut remplacer ces moyens [la honte et la crainte du blâme] par la liberté et la sûreté des personnes et des propriétés, par le bonheur...» Nakaz 36, p. 528.

. « Heureux le moment où les souverains sentiront que le bonheur de leurs sujets et leur sécurité, c'est une même chose. » Nakaz 44, p. 530.

. « Pourquoi le législateur a-t-il prescrit cet enchaînement d'actes successifs (la procédure)? Pour la sûreté et la liberté du citoyen. » Nakaz 46 p. 532

. « ...car enfin il faut que le prêteur ait ses sûretés, et que l'intérêt de la somme prêtée soit d'autant plus grand que les sûretés sont moindres. » Nakaz 67, p. 541.

. « Il faut d'abord que la société soit heureuse ; et elle le sera si la liberté et la propriété sont assurées » ... Nakaz 73, p. 544.

. « ...pour faire des avances en sûreté...» Nakaz 73, p. 544.

. « ...s'il a quelque propriété, jusqu'à quel point en est-il assuré? » HDI.1780, xvii.1.

. ...plus de puissance, de force, de sûreté, de bonheur...» HDI.1780, xiii.1 [voir].

. « ...l'objet important est de réunir la sûreté & les richesses. » HDI.1780, vi.1 [voir].

. « ... le pouvoir arbitraire est incompatible avec la confiance, parce qu'il détruit toute sûreté. » HDI.1780, v.4 [voir].

. « La sécurité avec laquelle on est toujours assez riche ; la sécurité sans laquelle on ne l'est jamais assez ». HDI.1780, xii.14 [voir].

. « ...vous ne laissez pas à votre esclave celle de sa personne ; ceux qui détruisent la sûreté ... » HDI.1780, xi.24 [voir].

 . « ...l'invention des  arts qui fait la douceur de la vie, l'institution des loix qui en fait la sécurité. », JAPONOIS (Philosophie des) [voir].

. « Lorsqu'on fait une condition publique et avouée de la délation, où est le maître en sûreté contre son esclave, le grand en sûreté contre son souverain ? » Essai sur les règnes de Claude et de Néron [voir].

. « ...et la vie des personnes n'est plus en sûreté, et il n'y a plus de fortune qu'on ne puisse envahir. » Essai sur les règnes de Claude et de Néron [voir].

. « Faites ce que je vous dis, parce qu'il y va de votre sûreté,de votre liberté et de votre bonheur. Essai sur les règnes de Claude et de Néron [voir].

(*) Les citations de l'Apologie, Mémoires pour Catherine II et Observations sur le Nakaz proviennent de Laurent Versini (ed.) Œuvres, Tome III, Politique. Paris: Robert Laffont, 1995. 
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Tuesday, October 21, 2014

DEUX LECTEURS DE D'HOLBACH

"...sûrs de vos possessions... — D'Holbach

AM | @HDI1780

Le temps presse et je n'ai guère que quelques minutes pour écrire ce billet. Je suis en plein débat avec des collègues argentins au sujet du ... libéralisme. La version du libéralisme qui s'est généralement imposée —notamment dans les manuels d'économie— est celle du XIXe siècle anglais. Mais il y a un problème: cette version sous-entend une parfaite sécurité personnelle. Ce n'est évidemment pas le cas aujourd'hui en Argentine, au Venezuela, au Cambodge, etc. Et ce n'était pas non plus le cas au XVIIIe siècle, en particulier hors de l'Angleterre.

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Voilà pourquoi les économistes qui soutiennent la "théorie institutionnelle du crédit" ne sont pas anglais: Montesquieu, Galiani, Raynal-Diderot, Smith, Necker. Ils le savent très bien—point de liberté sans sécurité. Voici en deux mots l'idée de ce billet: Adam Smith et Wilhelm von Humboldt (entre autres) on tous les deux puisé leurs idées sur l'importance de la sécurité personnelle dans les pages du baron d'Holbach—en particulier dans La politique naturelle, ou discours sur les vrais principes du gouvernement. Londres: 1773 (1, 2). Je pense revenir à ce sujet avec plus de détails. En attendant, voici un échantillon.

- Smith: "... when they are secure of enjoying the fruits of their industry, [individuals] naturally exert it to better their condition" (WN, iii.3). D'Holbach: "...c'est par son industrie, et surtout par la culture ... Mais ce n'est que dans une nation libre que se trouvent la sécurité, le courage, l'aisance, l'activité qui les font naître" (Pol. nat., vi.23).

- Humboldt. Ideen zu einem Versuch, die Grenzen der Wirksamkeit des Staats zu bestimmen (1792) [voir]; "...ob der Staat allein Sicherheit oder überhaupt das ganze physische und moralische Wohl der Nation beabsichten müsse". D'Holbach: "Après avoir montré les limites naturelles de l'autorité des souverains... Elle lui doit la sûreté... (Pol.nat., i.4; iv.1) (*).

(*) Voir au sujet de Wilhelm von Humboldt et d'Holbach: "Wilhelm von Humboldt in Paris, 1799", Mai 2013.
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Monday, October 6, 2014

ELIE LUZAC: MIXED GOVERNMENT & HARMONY

AM | @HDI1780

"... conserver l'harmonie dans un état." — Élie Luzac

Élie Lucac (1723-1796) was a tremendously prolific writer and editor. As a young editor, he courted controversy by publishing La Mettrie's L'homme machine in 1748. The scandal was such that the author was forced to flee Holland. According to Ann Thomson, Luzac later claimed that he saved the Frenchman's life by escorting him safely out of the country: "Sans moi il eut monté sur l'Echafaut comme un miserable bandit" [see]. But that wasn't the end of Luzac's travails. Jonathan Israel explains:

Luzac opposed La Mettrie's materialist views but believed that is was right to publish and refute them. The Walloon Church Consistory at Leiden disagreed and instigated vigorous moves against him. Luzac published his L'Homme plus que machine (1748), to defend himself against charges that he was propagating materialism, and also quarreled with La Mettrie over a money matter ... he found it prudent to move to Germany for two years until the affair blew over [1].

As the century progressed, Luzac became increasingly wary of philosophes and their calls for broad-based political reform and even revolution. He was a staunch Orangist; not surprisingly, he rejected Raynal's many-folded criticism of the Stadhouder. In his Lettres sur les dangers de changer la constitution primitive d'un gouvernement public (1792), Luzac warns against the self-serving tempation, common to all revolutionaries, to denigrate the previous regime as the epitome of barbarism: "Il n'y a que peu d'années, que votre abbé Raynal parla de votre République [les Provinces Unies] à peu près comme M. MILLOT parle d'Athènes. A l'en croire, on diroit, que du tems de PHILIPPE II Roi d'Espagne, vos Ancêtres étoient à peu près sauvages" [see]. There is continuity in history!

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In his excellent essay on Luzac, E. H. Kossmann describes the Dutchman's favorable view of the mixed constitution: "Natuurlijk heeft Luzac als goede conservatief grote waardering voor de zogenaamde gemengde staatsvorm waarin monarchie, aristocratie en democratie elk een plaatsje vinden" [2]. But what looks strikingly modern in Luzac's thought, says Mr. Kossmann, is his description of the mixed consitution as the only regime that creates ... harmony. A mixed constitution may be needed as a checks-and-balances mechanism that minimizes the damage created by diverging passions and interests, but it should be more than that: "Nous devons regarder comme le premier de nos devoirs de conserver l'harmonie dans un état".

Perhaps Luzac feared the increasing popularity, especially among young people, of rousseauist thought and its wildly seductive views about bonté naturelle de l'homme—which seemingly destroyed the case for political checks and balances. (Jovellanos would face the same problem in Spain in 1808-1811, and John Adams was about to go through a similar ordeal in the United States). This is why he yearned for an optimistic explanation of mixed government. Appropiately enough, E. H. Kossmann closes his essay by praising Élie Luzac's "verlichte conservatisme" and his "optimistische visie op de wereld".

[1] Jonathan Israel. The Dutch Republic. Its Rise, Greatness, and Fall 1477-1806. Oxford University Press, 195, p. 1063.

[2] E. H. Kossmann: "Verlicht conservatisme: over Elie Luzac", in Geschiedenis is als een olifant. Amsterdam: Bert Bakker, 2005, pp. 191-205.
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