Monday, February 27, 2012

LES LUMIÈRES RADICALES @ RÍO DE LA PLATA, II

AM | @agumack

Voici la deuxième partie de mon analyse —à l'aide de techniques dites de "Humanities 2.0" — de l'article publié par "Un Ciudadano" le 20 novembre 1810 dans la Gazeta Extraordinaria de Buenos-Ayres. Raynal et l'Histoire des deux Indes sont présents, bien entendu. Mais cette deuxième partie révèle surtout l'importance d'Helvétius. L'auteur, Mariano Moreno (ou Gregorio Funes), connait à la perfection De l’esprit et De l’homme. D'autre part, je crois avoir décelé la présence d'une édition de l'Esprit des lois avec des notes d'Helvétius: Œuvres complètes de Montesquieu, nouvelle édition avec des notes d’Helvétius sur l’esprit des lois. Paris: Didot, 1795.

De toute évidence, les bibliothèques de Buenos Aires étaient bien garnies ! Les révolutionnaires du Río de la Plata sont, à l'horizon 1810, à la recherche d'un vocabulaire républicain. Ils vont le puiser dans les textes des "Lumières radicales": Raynal, Diderot, Helvétius, d'Holbach, Condorcet, Volney, etc. Ce sont moins les idées d'Helvétius —sur l'importance des passions, par exemple— que ses prouesses en matière d'éloquence qui attirent l'écrivain porteño. D'ailleurs, c'est exactement ce que pensait David Hume peu après la publication de De l'esprit en 1758 (*).

* * *

Una autoridad sin freno es capaz de corromper al hombre mas virtuoso [1]. Nadie que conozca la frágil naturaleza del hombre puede dudar de esta verdad. Las pasiones, esos eternos enemigos del bien publico [2], armadas de una autoridad ilimitada, arrastran al Monarca, hasta el extremo de no conocer otro interés que el suyo propio, y desde el momento que súbditos no pueden desobedecer sin riesgo, ellos mismos vienen á ser los instrumentos de su avaricia, de su ambicion [3], y sus rapiñas. Algunas veces la naturaleza coloca sobre los tronos unos genios bienhechores [4]; y como si despues se arrepintiera, venga su falta con una larga série de príncipes ineptos, cuyo poder absoluto es el azote de la humanidad [5]. 

La constitucion de España dio á nacion los Monarcas revestidos de toda esta autoridad. Hubiera sido un prodigio de virtud [6] desconocido en los análes del mundo [7], que tarde o temprano no llegasen á los excesos de la arbitrariedad. Defectuosa esa constitucion por no haber puesto á sus Reyes en la feliz incapacidad [8] de hollar las leyes [9] inmutables, y fundamentales del orden, llegaron muchos de ellos á reconcentrar en sí mismos todo el reyno, y al paso que esclavos de sus ministros, se hicieron tiranos de sus vasallos. La nacion entonces no teniendo bastante energía para resistir abusos que el tiempo había erigido en principios [10], desespero de su destino [11], y se abandonó á la discrecion [12] del despotismo. Quando faltasen pruebas de esta verdad, sobrarían los males que la afligen. El despotismo es quien la ha puesto en el último declive de su ruina.

Si el despotismo al abrigo de una constitucion defectuosa [13] hizo tantos progresos en España, ¿qué deberia suceder en América, donde entraba por fórmula? Otro camino mas breve, aunque mas estrepitoso, llevó á esos mismos Reyes á la cima del despotismo en estos imperios. Ellos se formaron de la fuerza el único titulo de su dominacion. Despues de haberse jugado con los hombres por medio de los conquistadores, es á precio de su sangre [14] que compraron el derecho de gobernarlos. Las vidas de los que escaparon de estos estragos [15] no fueron miradas en adelante, sino como un don gratuito debido á su clemencia. Despues de estas ideas, ¿será posible concebir otra regla de la administracion [16], que la voluntad, y el interés del Soberano? No por cierto.

Todo ha concurrido [17] en América á entronizar el poder absoluto y arbitrario [18]. La opinion pública es la soberana de los hombres aun con prejuicio muchas veces de la razón. Echese una hojeada sobre la historia moral de las naciones [19], y se verá que no hay opinion tan absurda, que no haiga tenido pueblos enteros por sectarios. No hay sacrificios á que no les encuentre dispuestos, quando lo pide la opinion.

[1] UNA AUTORIDAD SIN FRENO ES CAPAZ DE CORROMPER AL HOMBRE MAS VIRTUOSO. Phrase de Fénelon: “…une autorité sans frein corrompt facilement l’homme le plus vertueux”; Fénelon cite ou traduit les Histoires d'Hérodote (Essai sur le gouvernement civil, dans Principes de Messieurs Bossuet et Fénelon. Paris: 1791, p. 235). C'est la seule édition antérieure à 1810. 

[2] A noter la contradiction avec l'apologie des passions chez Helvétius. C'est qu'entretemps, la Révolution française a eu lieu...

[3] INSTRUMENTO DE SU AVARICIA, DE SU AMBICIÓN. Helvétius: “…un instrument de son avarice…” (
De l’homme, 1773, Tome I, i.12, p. 45). Ce fragment provient d'un chapitre très violent contre l'Eglise. Voir aussi: “…vil instrument de l’ambition papale” (De l’homme, 1773, Tomo II, vii.7, p. 167). Preuves à l'appui!

[4] GENIOS BIENHECHORES. Helvétius: “…l’homme de génie le bienfaiteur de l’humanité…” (De l’esprit, 1758, iv.10, p. 146).

[5] EL AZOTE DE LA HUMANIDAD. Helvétius: “Le Despotisme, ce cruel fléau de l’humanité…” (
De l’homme, 1773, Tome II, v.9, nota 30, p. 68).

[6] UN PRODIGIO DE VIRTUD. Rousseau: “…d’abord un prodige de vertu” (
Rousseau juge de Jean-Jacques, in Collection complete des Œuvres de Jean-Jacques Rousseau, Tome 22. Genève: 1782, p. 15). Raynal: “…ce prodige inoui de vertu ne pouvoit durer.” (HDI 1780, ii.22, p. 465).

[7] LOS ANALES DEL MUNDO. D’Holbach: “…les délires des Rois sont inscrits dans les Annales du monde…” (
Politique naturelle, ou discours sur les vrais principes du gouvernement, ix.4, Londres, 1773, Tome II, p. 231).

[8] FELIZ INCAPACIDAD. Helvetius: “…le roi, borné dans son pouvoir, se trouve dans l’heureuse impuissance de nuire à ses sujets?” (
De l’esprit, 1758, iii.11).

[9] HOLLAR LAS LEYES. Bacon: “…soüiller les loix de la Charité & de la Société humaine.” (
Œuvres morales et politiques de Messire François Bacon. Paris, 1637, p. 20). C'est une possibilité.

[10] ERIGIDO EN PRINCIPIOS. Note d'Helvétius sur l'Esprit des lois de Montesquieu: “…c’est ériger les faits en principes…” (
Œuvres complètes de Montesquieu, nouvelle édition avec des notes d’Helvétius sur l’esprit des lois, Tome 2. Paris: Didot, 1795, pp. 16-17.)

[11] DESESPERO DE SU DESTINO. Vers de Voltaire dans Oreste: “Mais de notre destin pourquoi désespérer?” (
Œuvres complètes de Voltaire, Tome 4, 1784, p. 37).

[12] ABANDONÓ Á LA DISCRECION. Article de “T – n”:
ALEXANDRE I (Histoire d’Égypte), Supplément de l’Encyclopédie, Tome 1, p. 265: “…pour s’abandonner à la discrétion d’une mère…”

[13] CONSTITUCION DEFECTUOSA. Raynal: “…ce que la constitution avoit de défectueux…” (HDI 1780, xix.2, p. 60).

[14] CONQUISTADORES, A PRECIO DE SU SANGRE. Raynal: “…aux conquérans pour prix de leur sang…” (HDI 1780, vi.15, p. 450).

[15] ESCAPARON DE ESTOS ESTRAGOS. Raynal: “…échappées aux ravages des guerres & des tems…” (HDI 1780,
i.8, p. 34).

[16] REGLA DE LA ADMINISTRACION. Mably: “Un Prince ne viole jamais quelque règle de l’administration générale…” Doutes sur l’ordre naturel des sociétés politiques, in Collection complète des Œuvres politiques, philosophiques et morales de l’abbé de Mably,
Tome 9. Paris: Desray, 1794, p. 80).

[17] TODO HA CONCURRIDO. Raynal: “Tout a concouru depuis deux siècles…” (HDI 1780,
xix.1). Texte d'Alexandre Deleyre; Moreno a lu le Tableau de l'Europe pour sa Representación de los hacendados de 1809.

[18] PODER ABSOLUTO Y ARBITRARIO. Raynal: “…dans l’exercise arbitraire d’un pouvoir absolu” (HDI 1780, xiii.51, p. 261).

[19] LA HISTORIA MORAL DE LAS NACIONES. Helvétius: “Je consulterai d’abord l’histoire des Nations” (De l’homme, 1773,
Tome 1, IV.i, p. 279).

(*) David Hume à Adam Smith, 12 avril 1759: "I believe I have mentioned to you already Helvetius’s Book de l’Esprit. It is worth your Reading, not for its Philosophy, which I do not highly value, but for its agreeable Composition".
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Friday, February 24, 2012

DIDEROT ON INTEREST RATES
"La loi contre l'usure est propre à faire les usuriers" — Diderot

AM | agumack

Always the polymath, Denis Diderot wrote extensively on the subject of interest rates and credit markets. In Voyage de Hollande, he makes a clear distinction between "l’intérêt de l’argent entre particuliers" and public credit. Like Raynal, Diderot stands in awe of the Dutch Republic's powerful credit system: "Il ne faut pas oublier que l’intérêt de l’argent est à deux et demi pour cent". The son of a Langres coutelier, he never wavered from his belief in sound bourgeois values like paying debts punctually. In October 1781, he writes to Sedaine: "Vous me devez 349 livres. Si vous pouvez me les rendre sans vous gêner, tant mieux; s'il faut que vous vous gêniez, gênez-vous ... Si vous ne pouvez pas trouver cette somme dans votre bourse, cherchez-la dans celle de vos amis" (*).

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In Histoire des deux Indes, Diderot warns Empress Catherine II not to push her despotic ways too far, lest oppression leads to the destruction of the credit system: "Un despote ne doit pas obtenir du crédit; & si quelques événemens singuliers lui en ont procuré, c’est une nécessité que les événemens qui suivent le lui fassent perdre" (HDI 1780, xix.2). Diderot's remarkable comments on usury (HDI 1780, iii.1), taken word by word from his Observations sur le Nakaz, are one of the key sources of Jeremy Bentham's Defence of Usury (1787). Just before that passage, Raynal notes that, in times of anarchy, uncertainty over the stability of property rights leads to soaring interest rates: "L’intérêt de l’argent étoit de cinquante pour cent".

In the absence of a credible third-party enforcer of contracts, the supply of credit naturally contracts. Adam Smith will make much the same point in 1776, albeit in more systematic fashion.

(*) See Pierre Lepape. Diderot. Paris: Flammarion, 1991, pp. 415-416.
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Monday, February 20, 2012

RAYNAL & LES PORTS

AM | @agumack

Avec une admirable ténacité, Guillaume-Thomas Raynal s'attache à décrire tous les ports, toutes les rades, toutes les baies et tous les bassins naturels connus dans les deux Indes. Dans El 'best-seller' que cambió el mundo, j'essaie d'en dresser un inventaire partiel. A cette description s'ajoute la remarquable prophétie de Diderot:

Dans ces sociétés mercantiles, la découverte d'une isle, l'importation d'une nouvelle denrée, l'invention d'une machine, l'invasion d'une branche de commerce, la construction d'un port, deviendront les transactions les plus importantes; & les annales des peuples demanderont à être écrites par des commerçants philosophes, comme elles l'étoient autrefois par des historiens orateurs (HDI 1780, vi.1, p. 328) (*).

Le port est le locus de la liberté et du progrès ! Ce paragraphe aura un considérable impact au début du XIXe siècle au Río de la Plata. Mais revenons à Raynal. Quels critères doivent remplir les ports et les rades afin de contribuer à l'essor des sociétés mercantiles? Avant tout: sûreté, commodité, profondeur, ampleur. Rien n'échappe à l'analyse de l'abbé: la direction et la force des vents, l'impetuosité des vagues, les ressources militaires. Voici quelques exemples:

. Alexandrie. "Le port occidental ou vieux est vaste & commode. Les vaisseaux de guerre & les vaisseaux marchands y sont également en sûreté" (HDI 1780, xi.3);

. Arsew. "Arsew, dont les dehors sont charmans, doit être l’Arsenaria des anciens. On y trouve d’assez beaux restes de plusieurs monumens. Sa rade est sûre, commode & assez fréquentée. Il s’y formeroit à peu de frais un port qui recevroit les plus grands vaisseaux" (HDI 1780, xi.7);

. Susa. "La rade de Susa, défendue par trois châteaux dont le plus moderne même tombe en ruine, quoiqu’il ne soit pas encore achevé, est très-dangereuse. Les vents d’est & de nord-ouest, qui la traversent, inquiètent sans cesse les vaisseaux, & font quelquefois périr ceux qui n’ont pas eu le tems de se réfugier dans la baie de Monoster" (HDI 1780, xi.6);

. Port-Farine. "Port-Farine, situé sur les ruines ou dans le voisinage de l’ancienne Utique, étoit autrefois & seroit encore sous un autre gouvernement que celui des Maures, un des ports les plus vastes, les plus sûrs, les plus commodes de la Méditerranée" (HDI 1780, xi.6);

. Boston. "L’ouverture de cette baie est défendue contre l’impetuosité des vagues, par quantité de rochers qui s’élèvent au-dessus de l’eau, & par une douzaine de petites isles, la plupart habitées. Ces digues, ces remparts naturels, ne laissent une libre entrée qu’à trois vaisseaux de front ... Quand même une flotte passeroit impunément sous l’artillerie du château, elle trouveroit au nord & au sud de la place, deux batteries qui, commandant toute la baie, l’arrêteroient à coup sûr, & donneroient le tems à tous les bâtimens, de se mettre à couvert du canon dans la rivière de Charles. La rade de Boston est assez vaste, pour que six cens voiles y puissent mouiller sûrement & commodément." (HDI 1780, x
viii.22).

(*) Diderot-Tacite, auteur d'annales: le monde antique comme miroir du monde moderne! Voir à ce sujet Russell Goulbourne: "Diderot and the ancients", in James Fowler (éd.). New Essays on Diderot. Cambridge University Press, 2011, p. 24.
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Friday, February 17, 2012

THE RAYNAL-SMITH PARADOX
"Penser produit le besoin de communiquer ses pensées" — Helvétius

AM | @agumack

Adam Smith read the Histoire des deux Indes with tremendous intensity. After some years spent at Kirkcaldy working on the Wealth of Nations, he arrived in London in early 1773, anxious to obtain fresh news and analysis on the ongoing conflict with America. It was there that he purchased HDI. Although Raynal is often cited in WN, there is no doubt in my mind that Smith's intellectual debt to the Frenchman is much greater than usually thought — especially with regards to the supply of credit in the colonies. I deal with these issues in chapter 5 of El 'best-seller' que cambió el mundo — and I am now preparing a more detailed paper.

According to a standard cliché, one would expect a British author to proceed cautioulsy, taking great pains to gather 'empirical' evidence, while his or her French counterpart would quickly embrace the abstractions of esprit systématique. Nothing of the sort occurs here. On the one hand, Raynal slams "les spéculateurs qui se laissent entraîner par l'esprit systématique, & qui ne balancent pas à construire une vérité générale de quelques succès particuliers" (HDI 1780, xiii.40, p. 309). On the other hand, Smith admires French authors precisely for their ... esprit systématique! The point is well made by Adam Smith biographer Nicholas Phillipson:

On top of this there was a life-long love of intellectual systems and the esprit systématique he associated with true philosophical thinking and which he had learned to admire as a student at Glasgow studying mathematics, natural science and the Stoics. It was a quality he associated with the French and which he found lacking in the English. As he put it in one of his two contributions to the Edimburgh Review of 1755-6:

'It seems to be the peculiar talent of the French nation, to arrange every subject in that natural and simple order, which carries the attention, without any effort, along with it. The English seem to have employed themselves entirely in inventing, and to have disdained the more inglorious but not less useful labor of arranging and methodizing their discoveries, and express them in the most simple and natural manner'.

If only Raynal (and Diderot) had been less apprehensive of the stigma attached to esprit systématique, the Histoire des deux Indes would stand today as one of the key political economy books of all time.

(*) Nicholas Phillipson. Adam Smith. A Life. London: AllenLane, 2010, p. 4.
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Tuesday, February 14, 2012

CONTREPOIDS OU "CONTRE-FORCES"?

AM | @agumack

J'ai la quasi-certitude que les chapitres 35 et 42 du Livre XVIII de l'Histoire des deux Indes sont une source-clé, sinon la source-clé, du Federalist #10 de James Madison: "De-là vient le systême des contre-forces, établi chez tant de nations" [voir]. Mais pourquoi parler de contre-forces au lieu de contrepoids, comme Helvétius ou Raynal? L'explication est claire: Diderot abhorre l'inertie.

Le poids peut être ... un poids mort. La force, en revanche, évoque l'énergie, la réaction, la vie. C'est tout ce qui compte en politique. Cette impression est plus nettement rendue dans les Observations sur le Nakaz (titre XII): « Ce qu’on objecte
aux contre-forces physiques d’un corps politique, surveillant l’autorité souveraine, me paraît peu solide, témoin le parlement d’Angleterre, qui me paraît une terrible contre-force au pouvoir. » (*)

(*) Voir Georges Benrekassa: "Diderot, Denis", Dictionnaire éléctronique Montesquieu.
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Monday, February 13, 2012

GONZALO PONTÓN & LA HISTORIA DE LAS DOS INDIAS (I)

AM | @agumack

El sábado compré, en la excelente librería ALIBRI de Barcelona (Balmes 26), el volumen editado por Gonzalo Pontón bajo el título Tratado de la barbarie de los pueblos civilizados, por Denis Diderot (Barcelona: Pasado & Presente, 2011). Se trata de una traducción de los principales pasajes del enciclopedista para la Histoire des deux Indes de Raynal. De entrada, la primera impresión es muy favorable: bonita tapa, magnífica ilustración, cómodo al hojear.

¡Un placer! El precio, como dirían mis amigos franceses, es limite: €20. En cuando al contenido, nada mejor para poner de relieve lo que el Sr. Pontón llama —con excelente criterio— la "indiscutible modernidad política" de Denis Diderot en la Historia de las dos Indias. Por fin contamos con cerca de 200 páginas, en castellano moderno, de esta obra tan singular. Por todo esto, y aunque me falta leer gran parte del libro, no dudo en afirmar:

¡ENHORABUENA!

En las próximas semanas espero comentar en más detalle aspectos relativos a la selección de textos y a la traducción (a cargo de Palmira Feixas). Hoy solamente diré un par de palabras sobre la Presentación de Gonzalo Pontón. Es un texto corto — demasiado corto. En solamente diez páginas, es natural que el autor haya deseado mantener al mínimo las referencias bibliográficas. Aún así sorprende, desde una perspectiva "radical", la ausencia de mención a Jonathan Israel o al siempre interesante —¡y disponible en castellano!— Diderot: del ateísmo al anticolonialismo de Yves Bénot [1].

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Mientras algunos autores franceses se empeñan en "des-diderotizar" a Raynal, el Tratado de la barbarie de los pueblos civilizados luce como una contundente propuesta de "des-raynalizar" a Diderot [2]. En este sentido, el Sr. Pontón está en buena compañía: en su monumental Democratic Enlightenment, Jonathan Israel se refiere a Raynal como 'Raynal': las comillas ponen de relieve la relativa insignificancia del abate, considerado como poco más que un nom de plume en la causa de la Ilustración radical. (Sobre este tema puntual, solo diré lo siguiente: I don't have a dog in this fight!)

No caben dudas sobre el interés que presenta el Diderot de 1770-1782 desde el punto de vista del pensamiento político. El "golpe judicial" de Maupeou, la Guerra por la Independencia en Norteamérica, el viaje a Rusia y el despido de Turgot lo llevan a adoptar una postura cada vez más radicalizada. Ningún aspecto del 'despotismo' escapa a su crítica mordaz — ni el depotismo comercial de la East India Company. De manera acertada, el Sr. Pontón destaca el pasaje sobre los Hotentotes en el Libro II. (En las próximas semanas publicaré la sensacional traducción del revolucionario rioplatense Mariano Moreno, editada en la Gazeta de Buenos-Ayres el 16 de septiembre de 1810).

Diderot también aparece, en la Historia de las dos Indias, como un decidido defensor del derecho de propiedad (con algunas reservas), de las formalidades judiciales en materia derecho penal, de los contrapesos institucionales y de la innovación empresarial. Y si abandona toda perspectiva eurocéntrica, no es menos cierto que la imagen de los pueblos no-civilizados en la HDI no es siempre halagüeña, particularmente en lo referido a la condición femenina. Un último punto: en línea con el enfoque de la Ilustración radical, el Sr. Pontón llama la atención sobre las diferencias entre Diderot y Rousseau. Solo añadiré esto: el enciclopedista rechaza de plano las utopías retrospectivas à la Rousseau-Mably.

El mundo que anticipa la Historia de las dos Indias es, desde más de un punto de vista, el mundo en que vivimos hoy — el de una insoslayable conectividad.

[1] Jonathan Israel. Democratic Enlightenment. Philosophy, Revolution, and Human Rights, 1750-1790 (New York: Oxford University Press, 2011) [ver].

[2] En la "Presentación" leemos que Raynal se exilia en la Rusia de Catalina II. Esto no es correcto; fue Friedrich Melchor Grimm, otro amigo íntimo de Diderot, quien partió hacia San Petersburgo.
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Saturday, February 11, 2012

LA PREUVE! (PRÉSENCE D'HELVÉTIUS, V)

AM | @agumack

C'est en prenant mon café ce matin à Piper's Tavern, un sympathique bar de Barcelone, que j'ai trouvé la preuve ... Il n'y avait pas de journaux; heureusement, j'avais emporté le tome III des Œuvres complètes d'Helvétius. C'est alors que je lis ce texte: "C'est ce sentiment qui tantôt les arme d'un courage opiniâtre comme d'une épée pour triompher des plus grands obstacles..." Des plus grands obstacles? "Hmm", je me suis dit, "voila qui ressemble bien à Raynal". Chers lecteurs: cette fois, je crois bien que c'est la preuve — le fragment sur Christophe Colomb dans le Livre VI de l'Histoire des deux Indes [voir] trouve sa source dans le premier volume de De l'homme d'Helvétius:

Plein de cette idée, l'une des plus grandes qui soient... (HDI 1780, vi.3, p. 7).

Que la découverte des grandes idées est l'effet de la confiance dans l'attention (De l'homme, 1773, Tome I, ii.24).
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...le firent enfin triompher de tous les obstacles. (HDI 1780,
vi.3, p. 7).

...pour triompher des plus grands obstacles... (De l'homme, 1773, Tome I, iii.23).

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Colomb ne fut pas rebuté par les difficultés. (HDI 1780, vi.3, p. 7).

...il se rebute, ne tente pas de nouvelles découvertes... (De l'homme, 1773, Tome I, iii.4, p. 294).
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...cette hauteur insultante que les hommes en place affectent... (HDI 1780, vi.3, p. 7).

...l'homme en place... (De l'homme, 1773, Tome I).
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...ame ferme, élevée, courageuse... (HDI 1780, vi.3, p.7).

Une ame noble & élevée... (De l'homme, 1773, Tome I, ii.16, p. 180).

Ces trouvailles sont-elles importantes? Quelle est la vraie date de la première édition de l'Histoire des deux Indes? 1770 ou 1772? Hmm...
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Friday, February 10, 2012

ECONOMIE POLITIQUE
"Tout est lié" Montesquieu

AM | @agumack

Disciple "radical" de Montesquieu, Guillaume-Thomas Raynal ne conçoit l'économie politique que dans le cadre des lois et des institutions de chaque pays. On chercherait en vain, dans l'Histoire des deux Indes, les éléments d'une "science séparée" de l'économie (*). Le commerce, le crédit, la monnaie et la population sont des phénomènes organiquement liés entre eux, et à l'évolution des institutions. Laissons parler l'abbé:

Mais les questions d’économie politique veulent être long-tems agitées, avant d’être éclaircies. J’avancerai sans crainte d’être contredit, que la géométrie transcendante n’a ni la profondeur, ni la subtilité de cette espèce d’arithmétique. Il n’y a rien de possible en mathématique, dont le génie de Newton ou de quelques-uns de ses successeurs n’ait pu se promettre de vemir à bout. Je n’en dirai pas autant d’eux, dans les matières qui nous occupent.

On croit, au premier coup-d’œil, n’avoir qu’une difficulté à résoudre: mais bientôt cette difficulté en entraîne une autre, celle-ci une troisième, & ainsi de suite jusqu’à l’infini; & l’on s’apperçoit qu’il faut ou renoncer au travail, ou embrasser à la fois le systême immense de l’ordre social, sous peine de n’obtenir qu’un résultat incomplet & défectueux. Les données & le calcul varient selon la nature du local, ses productions, son numéraire, ses ressources, ses liaisons, ses loix, ses usages, son goût, son commerce & ses mœurs.

Quel est l’homme assez instruit pour saisir tous ces élémens? Quel est l’esprit assez juste pour ne les apprécier que ce qu’ils valent? Toutes les connoissances des différentes branches de la société ne sont que les branches de l’arbre qui constitue la science de l’homme public. Il est ecclésiastique; il est militaire; il est magistrat; il est financier; il est commerçant; il est agriculteur (HDI 1780, xiii.55, pp. 488-489).

(*) Voir, à ce sujet, Céline Spector. Montesquieu. Liberté, droit, et histoire. Paris: Michalon, 2010, pp. 242-243 [
voir]. Catherine Larrère: "Montesquieu économiste? Une lecture paradoxale", in Catherine Volpilhac-Auger (éd.) Montesquieu en 2005. Oxford: Voltaire Foundation, 2005; F.T. H. Fletcher. Montesquieu and English Politics 1750-1800. Philadelphia: Porcupine Press, 1939, p. 53.
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Thursday, February 9, 2012

CHRISTOPHE COLOMB (PRÉSENCE D'HELVÉTIUS IV)
"Il est peu de Colomb " — Helvétius

AM | @agumack

L'homme de génie est une expression-clé dans l'Histoire des deux Indes. Toute une théorie du "leadership" se laisse entrevoir derrière des phrases comme celles-ci, en partie dues à Diderot: "...voilà l’homme de génie réduit au silence ou étranglé" (HDI 1780, x.13); "...un homme de génie, éclairé par un homme supérieur" (HDI 1780, x.15); "L’homme de génie passe trop vîte, ne laisse point de postérité." (HDI 1780, xi.4). Etc, etc. J'essaie de reconstruire cette théorie du leadership dans El 'best-seller' que cambió el mundo — mais je sais bien qu'il reste encore beaucoup de travail à faire.

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Christophe Colomb est, justement, l'un de ces hommes: "...Colomb profita d’un de ces phénomènes de la nature où l’homme de génie trouve quelquefois des ressources pardonnables à la nécessité" (HDI 1780, xiv.21). Un des traits caractéristiques du génie est la persévérance:

Ils le traitèrent long-temps avec cette hauteur insultante que les hommes en place affectent si souvent avec ceux qui n'ont que du génie. Colomb ne fut pas rebuté par les difficultés. Il avoit, comme tous ceux qui forment des projets extraordinaires, cet enthousiasme qui les roidit contre les jugemens de l'ignorance, les dédains de l'orgueil, les petitesses de l'avarice, les délais de la paresse. Son ame ferme, élevée, courageuse, sa prudence & son adresse, le firent enfin triompher de tous les obstacles (HDI 1780, vi.3, p. 7).

Je suis frappé, encore une fois, par les similarités entre l'Histoire des deux Indes et les livres de Claude-Adrien Helvétius. Dans De l'homme (1773), Helvétius désigne Christophe Colomb comme le prototype même du génie entraîné par "le désir vif & constant de gloire". Plus je lis Helvétius, plus une conviction s'installe dans mon esprit: De l'esprit et De l'homme sont des sources-clé de l'Histoire des deux Indes! Reste à résoudre, naturellement, la question des dates. Selon Jonathan Israel, De l'homme était "completed by 1769" (*). Trés intéressant ...

(*) Jonathan Israel. Democratic Enlightenment. Philosophy, Revolution, and Human Rights, 1750-1790 (New York: Oxford University Press, 2011) [info], p. 669.
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Wednesday, February 8, 2012

IMPERIUM IN IMPERIO
"Le puissant est toujours injuste" — Helvétius

AM | agumack

In his indictment of the Verenigde Oost-Indische Compagnie (VOC), Raynal calls it "un nouvel état placé dans l'état même" (HDI 1780, ii.4, p. 313). By this the abbé means "un corps puissant", strong enough to evade the normal checks and balances of the Dutch Republic. The notion, I am told, derives from Spinoza's imperium in imperio in Tractatus politicus, ii.6. Both d'Holbach and Diderot refer to it in a different context, but with much the same meaning (*).

In Le Christianisme dévoilé, d'Holbach slams Christianity as "un État indépendant dans l'État". Meanwhile, Diderot, in his "Précis historique" on Pablo Olavide (Correspondance littéraire, October 1782), attacks the Spanish Inquisition as "cet état dans l'État". The words used by these thinkers to describe the notion of imperium in imperio leaves no doubt about its perceived dangers: "despotisme, tyrannie intolérable, corruption" (Raynal), "tyrannie des Souverains" (d'Holbach), "pouvoir illimité, terreur, imbecillité nationale" (Diderot).

(*) See also Lettres persanes, cvii: "...c'est comme un état dans l'état"; Madison to Jefferson: "Without such a check in the whole over the parts, our system involves the evil of imperia in imperio" (Gary Wills. James Madison. New York: Times Books, 2002, p. 29).
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Monday, February 6, 2012

LES DANGERS DE L'ÉLOQUENCE?

AM | @agumack

. Fragment de Diderot dans l'Histoire des deux Indes: "Une nation ne se régénère que dans un bain de sang." (HDI 1780, xi.4, p. 103). Cette phrase est, de loin, la plus explosive du livre. Elle aura de lourdes conséquences. Voici quelques non moins célèbres "reprises":

. Le Petit Gautier, journal royaliste, quelques jours après Varennes: "La France ne peut être régénérée que par un bain de sang" (*).

. Phrase attribuée à Louis-Antoine-Léon Saint-Just, début 1794: "Une nation ne se regénère que sur des monceaux de cadavres" [voir].

. Plan revolucionario de operaciones, Río de la Plata, 1810 [1813?]: "Porque ningún estado envejecido o provincias pueden regenerarse sin cortar sus corrompidos abusos, sin verter arroyos de sangre" [voir].

Les dangers de l'éloquence?

(*) Cité par François Furet & Denis Richet. La Révolution française. Paris: Marabout, 1973, p. 143.
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Friday, February 3, 2012

CREDIT & LAW

"Les économistes ne lisent plus Montesquieu"  Catherine Larrère

AM | @agumack

One of the reasons why I find eigthteenth-century economists so interesting is that they never sought to create a "separated science" (*). This is plainly the case in Histoire des deux Indes, where the supply of credit in any given economy is inextricably linked to the health of the political and judicial system. In the summer of 1766, Adam Smith paid a visit to the Parisian philosophes (1, 2). They discussed, among other things, public credit. André Morellet has his dates all wrong: "J'avais connu Smith dans un voyage qu'il avait fait en France vers 1762 ; il parlait fort mal notre langue ... Nous le vîmes plusieurs fois ; il fut présenté chez Helvétius ; nous  parlâmes théorie commerciale, crédit public, et de plusieurs points du grand ouvrage qu'il méditait".

At about the same time, the group was intensely discussing Cesare Beccaria's book Dei delitti e delle pene [see]. Is it any wonder that they all saw a deep relationship between the supply of credit, the level of political freedom and the quality of the judicial system? Here's baron d'Holbach in La politique naturelle (1773): "Sous le pouvoir absolu il ne peut y avoir de vrai crédit ; il est impossible que le Sujet ou l'Etranger se fient à un despote qui, quand il lui plait, peut manquer impunément aux engagements les plus solennels ; l'Asiatique défiant enfouit plutôt son or, que de le faire voir à ses Tyrans".

Another reader of the great François Bernier?

(*) Catherine Larrère: "Montesquieu économiste? Une lecture paradoxale", in Catherine Volpilhac-Auger (éd.) Montesquieu en 2005. Oxford: Voltaire Foundation, 2005.
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Thursday, February 2, 2012

LES LUMIÈRES RADICALES @ RÍO DE LA PLATA!

"Le bon livre est presque partout le livre défendu" — Helvétius

AM | @agumack

C'est en 2009 que j'ai commencé, à l'aide de Google Books et de Gallica, à appliquer des techniques dites de "Humanities 2.0" pour détecter la présence de l'Histoire des deux Indes dans les écrits de Mariano Moreno, le leader de la Révolution du Río de la Plata en 1810. En 2010, des traces évidentes de Mably, Helvétius et Volney furent ajoutées à ces découvertes (*). Mon dossier dépasse maintenant les cent pages de citations! Mariano Moreno connaissait les textes de Raynal, Helvétius, Condorcet, d'Holbach, Volney, Mably, Rousseau — et bien d'autres. Ce sont les Lumières radicales au Río de la Plata!

A la demande de deux collègues, je me suis mis à examiner de près l'article publié le 20 novembre 1810 par "Un Ciudadano" dans la Gazeta de Buenos-Ayres. Les résultats confirment l'écrasante présence de Raynal et des Lumières radicales. Mariano Moreno, sûrement l'auteur de ce texte, écrit à l'aide d'un carnet de lectures que nous sommes —deux cent ans plus tard!— en mesure de reconstruire grâce à Google Books. Voici l'analyse des premiers paragraphes:

Sr. Editor de la gazeta:

Muy Sr mío: es muy digno de nuestro reconocimiento el interés que vd. toma en que el público discurra, y se entretenga sobre las qüestiones que deben ser discutidas en el próximo congreso nacional. Una feliz revolución [1] nos sacó ya de esa indiferencia estúpida [2], que caracteriza á los pueblos esclavos, ó mas bien de ese error en que vivíamos, que nuestra situación deplorable era nuestro estado natural. Que los siervos no discurran sobre su suerte, y que se dexen conducir como viles rebaños [3], es una consecuencia necesaria de la costumbre [4] y del temor que los domina.

Los pueblos que han empezado á conocer el precio de su libertad, nunca serán bastante zelosos de este bien, y es un deber que les impone ese deseo, ocuparse en asegurarlo. No basta haber depositado en sus representantes [5] esta confianza. La opinión publica [6] debe garantir las resoluciones del congreso: quando ella haya concurrido, se dirá que es una obra comun, y el resultado de todas las voluntades [7]. Lisongeados de esta influencia se someterán sin murmurar [8]. Nada más útil, Sr. Editor, que inspirar á los ciudadanos una cierta estimacion de ellos mismos [9], y aprovecharse de su amor propio [10]. Este es el medio de hacer diversion a ese egoísmo, perpetuo enemigo del bien publico [11].

Entonces es quando [12] verán una relacion mas vecina entre el gobierno y ellos mismos y el amor de la patria será un sentimiento, que se proponga un objeto mas próximo y mas sensible [13]. Vea vd. aquí, Sr Editor, los bellos frutos que á mi juicio, harán recoger sus reflexiones, y las de todos aquellos que á su exemplo se dignan ilustrarnos. No es dudable que nuestros diputados trabajarán en silencio sobre las dudas que vd. propone [14]. Ellas le ofrecen el campo que deben cultivar, y el exámen de los mas grandes intereses [15] para que han sido llamados.

Sus meditaciones les descubrirán [16] verdades esenciales que establecer, preocupaciones envegecidas que desarraigar, y errores funestos [17] que destruir. Acaso no querrán por ahora hablar en público temiendo anticipar un juicio de que puedan arrepentirse. Dexemoslos en su reposo; y pues que vd. Sr. Editor, me ha hecho caer en la tentacion de que en calidad de ciudadano yo soy algo, permitame que le someta mis dictámenes, sobre las mismas qüestiones que suscita en su gazeta.

No tenemos una constitucion [18] y sin ella es quimérica la felicidad [19] que se nos prometa, ¿pero tocará al congreso su formación? Esta es la primera duda de las propuestas. Confieso a Vd. que me regocijé al oirle proferir que no teníamos una constitucion. En efecto, Sr. Editor, jamas con mano firme puede asegurarse una verdad mas dogmática. Porque Sr, yo no llamo tener lo que me daña. ¿Quién hasta aquí se ha jactado de tener un tabardillo? Pues no seria menos temible nuestra fiebre, si la constitucion española que nos rige hubiese de ser nuestra. Sin entrar por ahora en la duda propuesta contraere mis reflexiones á este solo punto.

Que sea viciosa la constitucion [20] de España, es una verdad que solo pide docilidad y juicio. La experiencia de todos los siglos y lugares [21] tiene muy bien acreditado, que puesto el poder soberano en manos de un solo hombre, tarde o temprano se transforma en despotismo.

[1] FELIZ REVOLUCION. L'expression revient souvent chez Raynal; Moreno l'utilise dans sa préface à la traduction du Contrat social. Raynal: “…heureuse révolution…” (HDI 1780, introduction; x.28; x.31; xiii.5; xviii.20; xix.10; xix.15; xix.18).

[2] INDIFERENCIA ESTUPIDA. Raynal: (a) “…& une stupide indifférence du premier législateur pour le bonheur général de la nation” (HDI 1780, i.8, p. 39); (b) “Ils sont tombés dans une indifférence stupide & universelle” (HDI 1780, vii.27, p. 165).

[3] VILES REBAÑOS. Raynal: “…trafic infâme & criminel d’hommes convertis en vils troupeaux…” (HDI 1780, xi.24). Condorcet: “…enlever des hommes, les vendre comme de vils troupeaux…” (“Vie de Voltaire”, Œuvres complètes de Condorcet, Tome 6. Paris: Henrichs, 1804, p. 211). D’Holbach: “…vil troupeau” (Politique naturelle, ou discours sur les vrais principes du gouvernement, Tome I, iii.22, Londres, 1773, p. 137).

[4] CONSECUENCIA NECESARIA DE LA COSTUMBRE. Idée chère à Helvétius: “…l’effet de l’habitude” (De l’homme, 1772, ii.13, p. 195. Voir aussi: “Tel est l’effet nécessaire de la trop grande multiplication…”, De l’homme, vi.8).

[5] SUS REPRESENTANTES. Idée qui semble s'accorder davantage avec la pensée de d'Holbach qu'avec celle de Rousseau. Voir Jonathan Israel. Democratic Enlightenment. Philosophy, Revolution, and Human Rights, 1750-1790. New York: Oxford University Press, 2011 [web] [video].

[6] LA OPINION PÚBLICA. Helvétius: “…quelque indifférence qu’on affecte pour l’opinion publique…” (De l’esprit, 1758, ii.10, p. 150). Raynal: (a) “L’expérience a changé sur ce point l’opinion publique”, HDI 1780, xi.33); (b): “L’opinion publique, chez une nation qui pense & qui parle, est la règle du gouvernement”, HDI 1780, xviii.3). Etc.

[7] EL RESULTADO DE TODAS LAS VOLUNTADES. L'expression revient dans un texte attribué à Helvétius (je n'ai pas trouvé d'édition antérieure à 1810): “…les lois n’étant que le résultat des volontés réunies” (Essai sur le droit et les lois politiques du gouvernement, voir).

[8] SE SOMETERÁN SIN MURMURAR. D’Holbach: “…les Nations engourdies semblent s’y soumettre sans murmure” (Politique naturelle, ou discours sur les vrais principes du gouvernement,Tome I, v.30, Londres, 1773, p. 45).

[9] ESTIMACIÓN DE ELLOS MISMOS. Raynal: “…fondant l’estime d’eux-mêmes sur le mépris qu’ils ont pour les autres.” (HDI 1780, xv.12). Rousseau: “…leur fierté et l’estime d’eux-mêmes…” (Considérations sur le gouvernement de Pologne, II).

[10] AMOR PROPIO. Rousseau: “Cet amour-propre en soi…” (Émile ou de l’éducation, I. Amsterdam, 1762). Helvétius: “…l’amour propre est le príncipe de toutes nos actions”, De l’esprit, 1758, i.4, p. 61).

[11] ENEMIGO DEL BIEN PUBLICO. Raynal: “Par la corruption, l’intrigue & les sophismes, ces ennemis du bien public avoient écarté une concurrence qu’ils ne pouvoient soutenir”, HDI 1780, xviii.30, p. 348).

[12] ENTONCES ES QUANDO. Formule habituelle chez Raynal, Diderot et Deleyre: “C’est alors que…” (HDI 1780, xiv.6; xv.12; xviii.3; xviii.44; xix.6). Moreno la reprend dans la Representación de los hacendados: “…entonces és quando la Divinidad contempla con placer…”; dans ce texte, l'auteur de l'HDI est présenté como “el mas fecundo ingenio de nuestro Siglo” (Escritos, ed. Ricardo Levene, II, p. 45).

[13] OBJETO MAS PRÓXIMO Y MAS SENSIBLE. Helvétius: “…à quelqu’objet sensible & particulier…”(De l’homme, 1772, ii.5, p. 136).

[14] DUDAS QUE VD. PROPONE. Idée chère à Gabriel Bonnot de Mably. Voir ses Doutes proposés aux philosophes économistes sur l’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques. La Haye, 1768).

[15] EXAMEN DE LOS MAS GRANDES INTERESES. Condorcet: “…plus occupé d’examiner les droits ou l’intérêt général…” (“Sur les assemblées provinciales”, Œuvres complètes de Condorcet, Tome 13. Paris: Henrichs, 1804, p. 258).

[16] SUS MEDITACIONES LES DESCUBRIRAN. Volney: “…la meditation de nos maux, pour en découvrir le remède…” (Les ruines, ou méditation sur les revolutions des empires. Paris, 1791, chapitre 4, p. 24).

[17] ERRORES FUNESTOS. Rousseau: “…reviens, ma Julie, de cette erreur funeste” (Julie ou la Nouvelle Heloïse. Amsterdam: 1779, p. 104). Raynal: (a) “Ce seroit une erreur funeste que de combattre la nature…” (HDI 1772, xiii, p. 110); (b) “Malheureusement les Indiens devinrent les victimes de cette erreur funeste” (HDI 1780, viii.32, p. 327). Condorcet: “Ce ne sera donc pas la vérité qui aura conduit á une erreur funeste” (“Dissertation philosophique et politique”, 1779, Œuvres complètes de Condorcet, Tome 8. Paris: Henrichs, 1804, p. 201).

[18] NO TENEMOS UNA CONSTITUCION. Encore une idée de Mably. Voir le commentaire de Michael Sonenscher. Before the deluge. Public Debt, Inequality, and the Intellectual Origins of the French Revolution (Princeton University Press, 2007).

[19] QUIMERICA FELICIDAD. Rousseau: “…tu cherches un chimérique bonheur” (Julie ou la Nouvelle Heloïse. Amsterdam: 1779, p. 104). Raynal: “Pourquoi faut-il que la peinture séduisante de ce bonheur soit chimérique?” (HDI 1780, xviii.30, p. 327). Mably: “…l’espérance d’un bonheur chimérique”, De la législation ou príncipes des lois, iv, Œuvres complètes de l’abbé de Mably, Vol. 11. Toulouse: 1793, Vol. 13, p. 52).

[20] CONSTITUCION VICIOSA. Condorcet: “…le peuple ne pouvait renoncer au droit de réformer une constitution vicieuse.” (“Vie de Voltaire”, Œuvres complètes de Condorcet, Tome 6. Paris: Henrichs, 1804, p. 167). Mably: “Nos états modernes n’ayant qu’une constitution vicieuse…” ("Du Dévelopement, du Progrès et des Bornes de la Raison", Collection complète des Œuvres complètes de l’abbé de Mably, Tome 15. Paris: 1794-1795, p. 72).

[21] LA EXPERIENCIA DE TODOS LOS SIGLOS Y LUGARES. D'Holbach: "L'expérience de tous les siècles nous prouve...", Politique naturelle, ou discours sur les vrais principes du gouvernement, vi.23, Londres, 1773, Tome II, pp. 98-99. Raynal: “…l’expérience de tous les peuples & de tous les siècles.” (HDI 1780, i.21, p. 119; fragment de Diderot sur la Chine). Condorcet: “…l’expérience de tous les siècles et de toutes les nations.” (“Vie de Voltaire”, Œuvres complètes de Condorcet, Tome 6. Paris: Henrichs, 1804, p. 253).

(*) Voir Agustin Mackinlay. El Enigma de Mariano Moreno. Fundación y Equilbriuo de Poderes en la Era de las Revoluciones (Buenos Aires: R & C Editores, 2009); "Mariano Moreno, la Historia de las dos Indias y el Plan de Operaciones", Les Cahiers de ALHIM, No. 19, Université Paris 9, 2010.
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Wednesday, February 1, 2012

READING BECCARIA
"Dans ces ouvrages on parle au genre humain" — d'Alembert

AM | @agumack

During the flight from Buenos Aires to Barcelona, I found myself reading Franco Venturi's magnificent edition of Dei delitti e delle pene (*). I say 'magnificent' because it contains hundreds of pages of related documents — some of which have shaped my understanding of Histoire des deux Indes. In his long January 1766 letter to Beccaria, André Morellet provides a glimpse of the intensity with which the encyclopédistes discussed Dei delitti e delle pene: "M. d'Alembert, M. Diderot, plusieurs de nos amis et moi, nous n'avons jamais pu entendre cet endroit" (baron d'Holbach is also mentioned).

There is little doubt in my mind that Raynal was among nos amis. Several passages of Histoire des deux Indes reflect a close reading of Beccaria. In chapter 3 of Book iii, we read: "... cette modération dans les loix pénales, si conforme à la nature humaine qui est foible & sensible, capable du bien même après le mal, s’accorde avec l’intérêt des états civilisés!". And here's xviii.14: "Ne convient-on pas que les châtimens doivent être proportionnés aux délits?" We also learn from Morellet's letter that close attention was paid to the notion of formalità — the broad idea of due process of law, which plays a key role in Histoire des deux Indes.

Here's the passage discussed by the philosophes:

Le formalità e le ceremonie sono necessarie nell'administrazione della justizia, sí perché niente lasciano all'arbitrio dell'amministratore, sí perché danno idea al popolo di un judizio non tumultuario ed interessato, ma stabile e regolare, sí perché sugli uomini imitatori e schiavi dell'abitudine fanno puí efficace impressione le sensazioni che i raziochinii. Ma queste senza un fatale pericolo non possono mai dalla leggi fissarsi in maniera che nuocano alla verità, la quale, per essere o troppo semplice o troppo composta, ha bisogno di qualche esterna pompa che le concilii il popolo ignorante. (XXXVIII).

There is much more to come on Raynal, Diderot and le formalità.

(*) Cesare Beccaria. Dei delitti e delle pene. A cura di Franco Venturi. Torino: Einaudi, 1994.
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