Friday, March 2, 2012

DIDEROT, RAYNAL & LES TAUX D'INTÉRET: DEUX (AUTRES) SOURCES-CLÉ
"Le crédit est le grand ressort d'un État" — Diderot

AM | @agumack

En ce qui concerne les taux d'intérêt et le crédit dans l'Histoire des deux Indes, les sources de Diderot-Raynal sont nombreuses. Nous avons déjà parlé de François Bernier [voir]. Voici deux autres possibles sources: Ferdinando Galiani ('gourou' économique de Diderot dans les années 1760), et l'article DESPOTISME de l'Encyclopédie, où de Jaucourt reprend mot à mot l'excellente définition de Montesquieu sur l'usure naturalisée par le despotisme.

Dans Della moneta (1751), le jeune Galiani établit une distinction entre monnaie et crédit; il attribue la baisse des taux d'intérêt en Europe (depuis le XVe siècle) non pas à l'or et à l'argent en provenance de l'Amérique, mais à la dolcezza del governo. Le sentiment de sécurité qui résulte de cette dernière conduit tout naturellement à une expansion de l'offre de crédit:

Per render bassi gl'interessi secondo l'esposto di sopra basta evitare il monipolio del danaro, e assicurare la restituzione. Perciò non è stata la sola abbondanza de' metalli preziosi che ha sbassate e quasi estinte le usure da due secoli in qua; ma principalmente la dolcezza del governo quasi in ogni regno goduta. Sieno le liti brevi, la giustizia certa, molta industria ne' popoli, e parsimonia, e saranno tutti i ricchi inclinati a prestare. Là dove è folla di offerenti, non possono esser dure le condizioni dell'offerta. Così saranno i poveri trattati senza crudeltà.

L'influence de Montesquieu est encore plus nette chez De Jaucourt, qui reprend un magnifique morceau de l'Esprit des lois (V.15) sur l'usure: "La pauvreté & l’incertitude de la fortune y naturalisent l’usure, chacun augmentant le prix de son argent à proportion du péril qu’il y a le prêter. La misère vient de toutes parts dans ces pays malheureux; tout y est ôté, jusqu'à la ressource des emprunts" (*). On remarquera la ressemblance avec Diderot: "...il faut que l’intérêt de la somme prêtée soit d’autant plus grand que les sûretés sont moindres" (HDI 1780, xvi.1).

(*) "...des fortunes" dans Montesquieu. Selon Jean Lacouture, Diderot et d'Alembert avaient demandé à Montesquieu d'écrire l'article DESPOTISME.
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