Saturday, March 31, 2012

WE'RE ON TWITTER!

AM | @HDI1780

It's official: Histoire des deux Indes is on Twitter! Here's the handle: @HDI1780. I'll be posting lots of quotations, book reviews and links to Google Books, Gallica and other resources. The Twitter account should take us to another level in terms of connectivity.

And, by the way, I'm pretty sure that both Diderot and Raynal would have nodded in agreement.
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Monday, March 26, 2012

LES LUMIÈRES RADICALES @ RÍO DE LA PLATA, III
"Tout acte d'un pouvoir arbitraire est injuste" — Helvétius

AM | @HDI1780

Je présente aujourd'hui la troisième partie de mon analyse —à l'aide de techniques dites de "Humanities 2.0" — de l'article de "Un Ciudadano", publié le 20 novembre 1810 dans la Gazeta Extraordinaria de Buenos-Ayres, en pleine révolution du Río de la Plata (voir: 1, 2). L'auteur de l'Histoire des deux Indes est présenté comme "un sábio filosofo"; cependant, Moreno (ou Funes) ne le mentionne jamais de façon explicite. A noter également la présence d'un morceau tiré de la Correspondance littéraire de Grimm.

Ce n'est pas la première fois: nous en avons noté des traces dans d'autres textes de Moreno. Cela pose pourtant un problème. Les écrits de Moreno datent au plus tard de 1810 (il mourra début 1811). Or, la Correspondance n'est publiée qu'après 1813. Ils est donc clair que ces textes circulaient bien avant. Quant à la référence aux "vertueux incas" de Raynal, elle provient du Livre VI de l'édition de 1774 de l'HDI. Il me semble que ce passage ne figure pas dans le texte de 1780. Affaire à suivre...

* * *

Sobre estas máximas ha procedido la corte de España, como para afirmar el concepto público á favor de su ilimitada autoridad [1]. Todo se ha puesto en práctica, á fin de persuadirnos que sus Monarcas casi eran de otra especie de la nuestra, y que sus caprichos llevaban siempre el sublime carácter de la ley.

La nación española sacrificada ella misma al despotismo [2], se iba interesando tambien en que la América lo fuese, para engrasare con sus bienes, y resarcir sus depredaciones [3]. Los virreyes fastuosos [4], que como dice un sábio filósofo [5], enervados por la codicia, y los placeres han dormido insolentemente sobre las cenizas de los virtuosos incas [6], forzoso era que sin inquietarse por la felicidad del estado [7], solo exigiesen una obediencia ciega [8], que les ganase partido en la estimacion del comun dueño [9].

Las Audiencias lejos de velar sobre las costumbres, y ser los oráculos de la verdad [10], no han hecho mas que multiplicar á nuestros ojos [11] exemplos de rapiña [12], y de injusticia [13], que contrastan enormemente con las lecciones de providad [14], que debian dar. ¿Qué otra cosa les convenía, sino sofocar el grito de la razon [15], y dar en su conducta antojadiza una expresion enérgica del poder que representaban? Los gobernadores de la provincia creían haber hecho lo bastante por los pueblos, miéntras los veian soportar el yugo con impaciencia [16], y tomaban esta sumision por una prueba de su felicidad [17].

¿Será extraño que afianzada asi la opinion pública se nos haya pedido para los príncipes un culto casi igual que á la divinidad? Bien ha podido la razon algunas veces reclamar sus derechos á favor nuestro, y señalarnos en ellos con el dedo los opresores de los pueblos [18]: ninguno ha sido tan osado, que no saliese huyendo de sí mismo, á fín de no ser cómplice de su imaginación [19]. Sr Editor, demos gracias al Dios vengador [20] de sus hechuras, porque ha querido ponernos en estado de que una nueva constitucion enmiende sus agravios.

[1] ILIMITADA AUTORIDAD… CAPRICHOS. Raynal: “…soumise aux caprices, exposée aux vexations d’une autorité illimitée?” (HDI 1780, v.4, p. 32).

[2] SACRIFICADA ELLA MISMA AL DESPOTISMO. Abbé Bergier: “…celui-ci a sacrifié au despotisme des Rois…” (
Encyclopédie Méthodique. Théologique, Tome 3. Paris: Panckoucke, 1790, p. 378).

[3] DEPREDACIONES. Raynal: “Les déprédations des Espagnols dans toute l’Amérique…” (HDI 1780,
xix.1, p. 9). Texte d'Alexandre Deleyre, bien connu par Moreno.

[4] LOS VIRREYES FASTUOSOS. Voltaire: “Le vice-roi qui résidait à Goa égalait alors le Gran Mogol en magnificence & en faste…” (Essai sur les moeurs et l’esprit des nations, Vol. 3, Œuvres complètes de Voltaire, Tome 18. Imprimerie de la Société Littéraire-Typographique, 1784, p. 393).

[5] UN SÁBIO FILÓSOFO. C'est Raynal! Dans la Representación de los hacendados, Moreno le décrit comme “el más fecundo ingenio de nuestro siglo” (Moreno s'identifie pleinement avec le Siècle des Lumières). Dans la Gazeta de Buenos-Ayres du 16 septembre, Raynal devient “un filosofo moderno, cuyos talentos formarán siempre el asombro de la posteridad”. 

[6] FASTUOSOS… ENERVADOS POR LA CODICIA Y LOS PLACERES HAN DORMIDO INSOLENTEMENTE SOBRE LAS CENIZAS DE LOS VIRTUOSOS INCAS. Raynal: “…la destinée a voulu que des moines bizarrement fastueux, énervés à la fois par la paresse & par la volupté, dormissent insolemment sur les cendres des vertueux incas…” (HDI 1774,
vi.21, p. 207).

[7] LA FELICIDAD DEL ESTADO. Mably: “…instrument de la félicité de l’état…” (“La retraite de M. Necker”, Œuvres posthumes de l’abbé Mably, Tome 3. Paris: Desbriere: 1798, p. 132). Moreno a lu De la Révolution françoise (1796) de Necker.

[8] OBEDIENCIA CIEGA. Helvétius: “Nous n’exigeons point, dit s. Paul, une obéissance aveugle…” (
De l’esprit, 1758, iv.10, p. 558); d’Holbach: “L’obéissance aveugle n’est faite que pour les esclaves.” (Politique naturelle, ou discours sur les vrais principes du gouvernement, Tome I, iv.3, Londres, 1773, p. 162). Raynal: “…énervées par l’habitude d’une obéissance aveugle…” (HDI 1780, vi, p. 394).

[9] COMUN DUEÑO. Helvétius: “Maître commun de tous les inventeurs” (De l’homme, 1773, Tome I, ii.24, p. 225).

[10] LOS ORACULOS DE LA VERDAD. Raynal: “…les prétendus oracles de la vérité.” (HDI 1780, xix.1, p. 11). Texte de Deleyre.

[11] MULTIPLICAR À NUESTROS OJOS. De Jaucourt: “…l’avantage de multiplier à nos yeux des objets uniques…”, article
VERRE, Encyclopédie, Tome 17, 1765, p. 93).

[12] EXEMPLOS DE RAPIÑA. Voltaire: “…premier détestable exemple des rapines ecclésistiques.”
Œuvres complètes de Voltaire, Tome 33. Imprimerie de la Société Littéraire-Typographique, 1784, p. 442).

[13] EXEMPLOS DE INJUSTICIA. Raynal: “…par un exemple de cette injustice…” (HDI 1780,
vii.3, p. 9).

[14] LECCIONES DE PROVIDAD. Mirabeau: “…leur a donné une leçon de probité…” (
Orgie et testament de Mirabeau, 1791, p. 30). C'est possible!

[15] SOFOCAR EL GRITO DE LA RAZÓN. Frédéric II: “…étouffer le cri de la raison, de la nature et de l’humanité.” Lettre de Frédéric II à Voltaire, septembre 1775,
Œuvres complètes de Voltaire, Tome 87. Imprimerie de la Société Littéraire-Typographique, 1785, p. 202). Raynal: “La forcé de l’habitude, qui étouffe si souvent le cri de la raison…” (HDI 1780, viii.13, p. 297). Fragment sur le Paraguay.

[16] SOPORTAR EL YUGO CON IMPACIENCIA. Histoire Universelle: “…supporter avec impatience le joug des Cheiks Arabes.” (
Histoire Universelle, Tome 24, xix.2. Amsterdam et Leipzig: 1745 , p. 109). Ce n'est pas la première apparition de l'Histoire Universelle. Helvétius: “Les gens vertueux, raisonnables, supportent impatiemment le joug du Despotisme.” (De l’homme, 1773, Tome II, vi.1, p. 78, note).

[17] PRUEBA DE SU FELICIDAD. Grimm: “…c’est la preuve du bonheur auquel nous étions destinés…” (“Pourquoi l’Homme ne nait pas, comme las Animaux, avec le degré de perfection qui lui en est propre?”, 1776,
Correspondance littéraire, p. 419).

[18] OPRESORES DE LOS PUEBLOS. Helvétius: “Des hommes qui joignent á la qualité d’esclaves celle d’oppresseurs des Peuples.” (De l’homme, 1773,
Tome 1, iv.16, note 54, p. 384).

[19] CÓMPLICE DE SU IMAGINACION. Claude Joseph Dorat à Voltaire, 1766: “Ne croyez pas cependant que mon coeur ait été, dans tout ceci, le complice de mon imagination…” Œuvres complètes de Voltaire, Tome 115. University of Toronto Press, 1974.

[20] DIOS VENGADOR. Montesquieu: “Qu’il trouve en tout lieu la présence d’un Dieu vengeur et les puissances célestes irritées!” (Discours au Parlement de Bordeaux, 1723;
voir). Rousseau: “Le Dieu vengeur est le Dieu des méchans…” (Julie ou la Nouvelle Heloïse, Tome III, Amsterdam: 1769, p. 291). Condorcet: “…d’annoncer aux hommes un Dieu vengeur des crimes…” (“Vie de Voltaire”, Œuvres complètes de Condorcet, Tome 7. Paris: Henrichs, 1804, p. 63).
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Friday, March 16, 2012

ANARCHY & INTEREST RATES
"Les esprits se rassuroient à peine" — Raynal

AM | @HDI1780

In the wake of William the Conqueror's successful English campaign, notes Raynal, everything was thrown in a state of confusion, including property rights: "Malheureusement l'introduction du gouvernement féodal occasiona une révolution si brusque & si entière dans les propriétés, que tout tomba dans la confusion" (HDI 1780, iii.1, p. 263).

Without much explanation, he then states: "L’intérêt de l’argent étoit de cinquante pour cent". Although the point is never quite explicitely made, we are led to believe that the supply of credit tends to contract whenever property rights become unstable.

* * *

There is little doubt in my mind that Raynal debated these issues with Diderot. As a matter of fact, he inserts a long passage by Diderot on usury and the credit market, right after his statement on interest rates in eleventh-century England. In titre 95 of Observations sur le Nakaz, Diderot makes the same point: "...dans une contrée très éloignée, où il n'y a nul exercise des lois ... il y a risque de perdre ses avances." Yet it was Adam Smith who best explained the link between anarchy and usury:

Among the barbarous nations who overran the western provinces of the Roman empire, the performance of contracts was left for many ages to the faith of the contracting parties. The courts of justice of their kings seldom intermeddled in it. The high rate of interest which took place in those ancient times may perhaps be partly accounted for from this cause (Wealth of Nations, i.9).

When it comes to interest rates and the credit market, both Raynal and Diderot had a clear sense of (most of) the causal relations involved. Yet, they failed to present their arguments in a rigorous manner, like Adam Smith in 1776. Why? Because they lacked the Scotsman's esprit systématique.
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Thursday, March 15, 2012

DIDEROT & LES CONTRE-FORCES (II)
"Le supplice public d'un roi change l'esprit d'une nation pour jamais" — Diderot

AM | @HDI1780

Il y a tout juste un mois, j'avais fait référence au vocabulaire employé par Diderot au sujet de l'équilibre politique: contre-forces au lieu de contrepoids [voir]. Un exemple, tiré de sa diatribe contre le despotisme chinois, illustre nettement ce point de vue. Pour Diderot, il y a une seule façon de prouver que l'autorité souveraine est limitée, c'est-à-dire que le gouvernement n'est pas despotique: il faut voir, ou tout au moins avoir vu, les contre-forces en action. Voici le texte:

Mais l'autorité souveraine est limitée à la Chine ... Où ne l'est-elle pas? Comment, par qui est-elle limitée à la Chine? Si la barriere qui protège le peuple n'est pas hérissée de lances, d'épées, de bayonnettes dirigées vers la poitrine ou la tête sacrée de l'empereur pere & despote, nous craindrons, mal à propos peut-être, mais nous craindrons que cette barriere ne soit à la Chine qu'une grande toile d'araignée sur laquelle on auroit peint l'image de la justice & de la liberté, mais au travers de laquelle, l'homme qui a de bons yeux apperçoit la tête hideuse du despote. Y a-t-il eu un grand nombre de tyrans déposés, emprisonnés, jugés, mis à mort? Voit-on sur la place publique un échaffaud sans cesse dégouttant du sang des souverains? Pourquoi cela n'est-il pas? (HDI 1780, i.21, p. 151).

De façon indirecte, c'est l'histoire politique de l'Angleterre qui est évoquée ici. L'action violente des contre-forces revient dans deux morceaux de Diderot sur l'Angleterre. Au titre XXIV des Mélanges pour Catherine II, nous lisons: "Que ce tribunal [le Parlement] si utile qui a coûté des flots de sang à l'Angleterre..." Et voici HDI 1780, xviii.39, p. 203: "On vit l’Anglois, sous les Tudors, abandonner ses droits les plus précieux & livrer sa tête sans défense à la hache des tyrans: mais jamais renoncer au droit de s’imposer lui-même. C’est pour le défendre qu’il répandit des flots de sang, qu’il détrôna ou punit ses rois."

On comprend mieux, en relisant ces textes, pourquoi Diderot parle de contre-forces physiques, et pourquoi le dynamisme des "contre-forces" est préferé à l'inertie des "contrepoids".
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Wednesday, March 14, 2012

LA CHINE & 'L'ESPRIT D'INVENTION'
"Quel fruit espérer d'un exercice si contraire à la nature?" — Diderot 

AM | @agumack

La lecture du Financial Times est pour moi un must; c'est une source d'information indispensable pour mes cours d'économie politique. Jamil Anderlini, journaliste à Shanghai, publie un très intéressant article sur les problèmes de la Chine en matière d'innovation. Le titre en dit long: "Autocratic directives fail to spark creativity" [1]. La censure, la lenteur d'internet (afin de mieux surveiller la population), la corruption, le manque de transparence: voilà autant de difficultés pour les innovateurs.

N'est-ce pas exactement ce qu'anticipait l'Histoire des deux Indes? Raynal se demande si la préoccupation pour la stabilité, endémique chez les chinois, ne va pas à l'encontre de l'esprit d'invention: "Un respect outré pour l'antiquité, les asservit à tout ce qui est établi. Toutes ces causes réunies ont dû ôtér aux Chinois l'esprit d'invention. Il leur faut des siècles pour inventer quelque chose" (HDI 1780, i.20, p. 143). Diderot va plus loin. D'emblée, il constate que le savoir abstrait y est mal vu, à cause de l'excès de population:

...c'est le peu de progrès des sciences & des arts, depuis l'époque très éloignée qu'on les y cultive. Les recherches s'y sont arrétées au point où, cessant d'être utiles, elles commencent à devenir curieuses. Il y a plus de profit à l'invention du plus petit art pratique, qu'à la plus sublime découverte qui ne montreroit que du génie. On fait plus de cas de celui qui sait tirer parti des recoupes de la gaze, que de celui qui résoudroit le problème des trois corps.

Puis il se déchaîne contre le despotisme chinois, la véritable cause du manque de "lumières" (HDI 1780, i.21). Les inconvénients se suivent et se ressemblent: failles du système éducatif et judiciaire ("...la connaissance de la langue est le dernier terme de la science... la justice est d'une vénalité sans exemple..."), manque d'honnêteté des commerçants, etc. Bref, les arguments de Voltaire et des physiocrates en faveur de la Chine le laisseront indifférent, à moins que:

...on nous apporte de Pekin des ouvrages de philosophie supérieurs à ceux de Descartes & de Locke; des traités de mathématique à placer à coté de ceux de Newton, de Leibnitz & de leurs successeurs; des morceaux de poésie, d'éloquence, de littérature & d'érudition que nos grands écrivains daignent lire, & dont ils soient forcés d'avouer la profondeur, la grace, le goût & la finesse; [...] des instruments de physique, des machines où notre infériorité soit bien démontrée [2].

[1] Financial Times, 26 octobre 2011.

[2] A propos des "machines", voici justement M. Anderlini: "...some top Chinese scientists were quick to dismiss the invention of Tianhe-1, the world's fastest supercomputer, as little more a than propaganda stunt and it soon emerged that almostall the chips used to build the machine were made by Intel and Nvidia, a US computer animation company".
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Thursday, March 8, 2012

DIDEROT, RAYNAL & THE RULE OF LAW
"La liberté, c'est-à-dire la garantie politique de la justice" — Mme de Staël

AM | @agumack

The purpose of this post is to put togheter, in one place, most (if not all) of Diderot's and Raynal's statements on: (a) the separation of powers as it regards the judiciary; (b) the rule of law, or equality before the law; (c) judges' tenure; (d) judges' salaries; (e) judges' honesty and competence; (f) due process of law or forme judiciaire; (g) precedents as a formal source of law. Needless to say, it will take a while to complete. I will endeavour to update this post as frequently as I can. If it gets too big, I will split it into two or three additional posts. Meanwhile, you can check it out on the right side of the blog. (Suggestions and ideas are more than welcome). Here are some of my very first picks:

The separation of powers

. Diderot: "Si le gouvernement se constitue juge de l’abus, il ne tardera pas à se constituer juge de l’us; & toute veritable notion de propriété & de liberté sera détruite […] Partout où vous verrez l’autorité aller plus loin, dites hardiment que les peuples sont exposés à la dépredation" (HDI 1780, ix.28, pp. 455-456) [Portugal and her colonies].

. Raynal: "En quelque lieu du monde ou par quelque motif que ce puisse être, l’autorité ne doit point s’asseoir à la place de la justice" (HDI 1780, xiii.54) [French colonies].

. Raynal: "Les intendans décident seuls de l’emploi des finances, & en règlent pour l’ordinaire le recouvrement. Ils appellent trop souvent devant eux les affaires civiles ou criminelles; soit que la justice n’en ait pas encore pris connoissance, soit qu’elles aient été déja portées aux tribunaux même supérieurs: c’est ce qu’on appelle administration" (HDI 1780, xiii.56) [French colonies].

. Raynal: "Par-tout où il n’y a ni loix fixes, ni justice, ni formes constantes, ni propriétés réelles, le magistrat est peu de chose, ou n’est rien; il attend un signe pour être ce qu’on voudra" (HDI 1780, xiv.2) [French colonies].

The rule of law

. Diderot: "La loi n'est rien, si ce n'est pas un glaive qui se promène indistinctement sur toutes les etes, & qui abat ce qui s'élève au dessus du plan horizontal sur lequel il se meut. La loi ne commande à personne ou commande à tous. Devant la loi, ainsi que devant Dieu, tous sont égaux"
(HDI 1780, i.15, p. 86) [Ceylan].
. Diderot "Le fisc lui-même doit se libérer par les voies & les règles de la justice" (HDI 1780, xiii.54) [French colonies].

. Raynal: "Ce ne sont pas des hommes qui doivent gouverner les hommes, c’est la loi. Otez aux administrateurs cette mesure commune, cette règle de leurs jugemens; il n’y aura plus de droit, plus de sûreté, ni de liberté civile." (HDI 1780.xiii.54) [French colonies].

. Raynal: "Cependant il étoit aisé de tarir la source de ces désordres, en mettant à la place du gouverneur militaire, violent en lui-même, & fait pour des tems de crise & de péril, une législation modérée, fixe & indépendante des volontés particulières. (HDI 1780.xiii.56) [French colonies].

. Deleyre: "A Venise, on procède juridiquement contre un patricien, contre un inquisiteur. On fait vendre ses biens; on se saisit de sa personne; on le conduit en prison" (HDI 1780, xix.2) [Venice].

 Tenure

. Diderot: "Si tous les parlements sont dissous, et la France inondée de petits tribunaux composés de magistrats sans conscience comme sans autorité, et révocables au premier signe de leur maître, adieu tout privilège des états divers formant un principe correctif qui empêche la monarchie de dégénérer en despotisme" (Letter to Princess Ekaterina Romanovna Dashkoff, april 3, 1771).

. Diderot: "La justice est lente, mais elle se rend. Les magistrats sont amovibles; par cette raison, ils ne font point un mal qu'on pourrait leur rendre" (Voyage de Hollande, 1774).

Due process of law (forme judiciaire)

. Diderot: "Le despote fait tout ce qu'il veut, sans aucune forme" (Observations sur le Nakaz, 8).

. Diderot: "On y traite [...] des formes de la justice, sans lesquelles l'exercice en devient arbitraire" (HDI 1780, i.8, p. 43) [Brahma's laws].

. Diderot: "A des distances aussi grandes, quelle peut être l’énergie des loix de la métropole sur les sujets, & l’obéissance des sujets à ces loix? L’éloignement des témoins & des juges de nos actions, ne doit-il pas amener la corruption des mœurs, & avec le tems le déclin des institutions les plus sages, lorsque les vertus & la justice, leurs bases fondamentales, ne subsistent plus?" (HDI 1780, xiii.1) [colonies in general].

. Raynal: "On fit plus d’attention à l’établissement des loix criminelles d’Angleterre. C’étoit un des plus heureux présens que pût recevoir le Canada. Auparavant, un coupable, vrai où présumé, étoit saisi, jetté dans une prison, interrogé, sans connoître, ni son délit, ni son accusateur, sans pouvoir appeller auprès de lui, ou ses parens, ou ses amis, ou des conseils. On lui faisoit jurer de dire la vérité, c’est-à-dire, de s’accuser lui-même, & pour comble d’absurdité, sans attacher aucune valeur à son témoignage. On s’étudioit ensuite à l’embarrasser de questions captieuses, dont il étoit plus facile au crime impudent qu’à l’innocence troublée de se démêler. On eût dit que la fonction d’un juge n’étoit que l’art subtil de trouver des coupables. On ne les confrontoit avec ceux qui avoient déposé contre lui qu’un instant avant le jugement qui prononçoit, ou l’absolution, ou le plus ample informé, ou la torture & le supplice. Dans le cas d’absolution, l’innocent obtenoit aucune indemnité. Au contraire, la sentence capitale étoit toujours suivie de confiscation: car telle est en abrégé la procédure criminelle Françoise. La Canadien conçut facilement & sentit vivement le prix d’une gislation qui ne laissoit subsister aucun de ces désordres" (HDI 1780, xvi.9) [French Canada; see].
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Wednesday, March 7, 2012

SEMINARIO: DIDEROT Y EL DERECHO DE LA RAZÓN

Miércoles, 7 de Marzo 2012

Diderot y el despotismo I - Absolutismo, jansenismo y poder judicial, por Lorenzo Peña (IFS-CCHF, CSIC)

11:00 horas. Sala José Gaos 3C

3ra Sesión del Seminario Theoria cum Praxi

Organiza: Grupo de Estudios Lógico-Jurídicos (Jurilog)

Coordinadores: Lorenzo Peña y Roberto R. Aramayo (IFS-CCHF-CSIC)
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L'HISTOIRE DES DEUX INDES & L'AFRIQUE DU NORD

AM | @agumack

Abstraction faite des (considérables) préjugés de l'époque, le Livre XI de l'Histoire des deux Indes peint un tableau de l'Afrique du Nord qui maintient quelques éléments d'actualité: autoritarisme politique, absence de représentation, instabilité du droit de propriété, manque de crédit. J'avoue que j'hésitais à écrire sur un sujet si sensible. Un article récent de l'économiste péruvien Hernando de Soto sur la Tunisie, et un autre sur la Lybie, publié ce matin dans El País, m'ont fait changer d'avis (*).

En fait, l'économie politique telle que l'envisageaient Raynal et Diderot est d'une surprenante actualité. Voici, de façon très schématique, ses principaux éléments: sous le despotisme, pas de droit de propriété; sans droit de propriété, pas de crédit; sans crédit, pas d'innovation, pas de commerce; sans innovation et sans commerce, pauvreté et "inégalité factice des fortunes & des conditions, qui naît de l’oppression & la reproduit" (HDI 1780, xvii.4). C'est bien pourquoi Raynal écrit: "Le despotisme des gouvernemens prépare de loin la révolte des peuples".

. Aux yeux de leurs maîtres, ce ne sont que des animaux nécessaires à la culture. On dispose arbitrairement de leurs biens & de leur vie, sans que ces actes d’injustice ou de cruauté aient jamais provoqué la vengeance du gouvernement (xi. 2).

. Les intérêts du pacha ne sont pas plus respectés que ceux du sultan. La milice même ne touche jamais sa solde entière, & les citoyens de tous les ordres sont habituellement dépouillés (xi.2).

. Si jamais l’Egypte sort de l’anarchie où elle est plongée; s’il s’y forme un gouvernement indépendant & que la nouvelle constitution soit fondée sur des loix sages: cette région redeviendra ce qu’elle fut, une des plus industrieuses & des plus fertiles de la terre. Il seroit absurde d’annoncer les mêmes prospérités à la Lybie (xi.3). 

. Les pachas ou vice-rois chargés de conduire les pays assujettis, y portèrent cet esprit de ravage dont leur nation a laissé par-tout des traces ineffaçables. Ce n’étoient pas seulement les peuples qui étoient exposés à des rapines perpétuelles: l’oppression s’étendoit sur les troupes, quoique toutes Ottomanes [...] Alger, Tunis, Tripoli, reçurent la même législation. C’est une espèce d’aristocratie (xi.4).

. Il est rare que ces élections se fassent sans effusion de sang; & il est ordinaire qu’un homme élu dans le carnage soit massacré dans la suite, par des gens inquiets, qui veulent s’emparer de sa place, ou la vendre pour s’avancer (xi.4).

. Ce précieux métal, arrivé à Maroc, n’y circule, que très-rarement. Il y est enterré, comme dans tous les gouvernemens où les fortunes ne sont pas assurées. C’est encore la destinée de l’argent que les Européens introduisent dans l’empire par les neuf rades qui leur sont ouvertes (xi.8).

. Ses habitans [Salé, Maroc] étoient à la fois marchands & corsaires. Ils ont à-peu-près cessé d’exercer l’une & l’autre de ces professions, après avoir été subjugés & dépouillés de leurs richesses par le monarque actuel (xi.8).

(*) Voici Hernando de Soto au sujet de la révolution tunisienne: "Bouazizi immolated himself in a terrible suicide because he never got a right to the land his house was built on, which could have been used for credit to develop his business, for example, to buy a truck. He was never able to get an official right to put a stall in a public place and so, he never had a property right to it"; voir aussi Maite Rico: "Las milicias se adueñan de Libia", El País.
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Monday, March 5, 2012

DIDEROT ON 'JUDICIAL INDEPENDENCE' (I)
"Regina mundi forma" — Diderot

AM | @agumack

The notion of 'judicial independence' plays an important role in Histoire des deux Indes and, more broadly, in Diderot's political thought. It is a complex issue, and it is bound to take more than one post. In early 1766, the Parisian philosophes were debating a thorny issue raised by Beccaria: "...la faculté de juger, ma non dipendente da quella con immediata podestà. M. d'Alembert, M. Diderot, plusieurs de nos amis et moi, nous n'avons jamais pu entendre cet endroit" (*). In Nakaz 39, Diderot declares: "Je pense que ces deux puissances [législative et exécutrice] doivent être séparées de la magistrature".

It seems to me that Diderot's thinking on 'judicial independence' is organized around the following themes: (1) judges' honesty and competence; (2) judges' tenure; (3) budget issues, including judges' salaries; (4) due process of law or forme judiciaire. Surprisingly (or not), the notion of stare decisis —precedents as a formal source of law— does not seem to count at all. I'll come back to these points in the coming days and weeks. For now, I leave you with Diderot's sensational April 1771 letter to Princess Ekaterina Romanovna Dashkoff, in which the problem of tenure is sketched in a way entirely worthy of Montesquieu, his maître à penser

Chaque siècle a son esprit qui le caractérise. L’esprit du nôtre semble être celui de la liberté ... Nous touchons à une crise qui aboutira à l’esclavage ou à la liberté ; si c’est à l’esclavage, ce sera un esclavage semblable à celui qui existe au Maroc ou à Constantinople. Si tous les parlements sont dissous, et la France inondée de petits tribunaux composés de magistrats sans conscience comme sans autorité, et révocables au premier signe de leur maître, adieu tout privilège des états divers formant un principe correctif qui empêche la monarchie de dégénérer en despotisme.

(*) Morellet to Beccaria, January 3, 1766, in Cesare Beccaria. Dei delitti e delle pene. A cura di Franco Venturi. Torino: Einaudi, 1994, p. 353.
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Friday, March 2, 2012

DIDEROT, RAYNAL & LES TAUX D'INTÉRET: DEUX (AUTRES) SOURCES-CLÉ
"Le crédit est le grand ressort d'un État" — Diderot

AM | @agumack

En ce qui concerne les taux d'intérêt et le crédit dans l'Histoire des deux Indes, les sources de Diderot-Raynal sont nombreuses. Nous avons déjà parlé de François Bernier [voir]. Voici deux autres possibles sources: Ferdinando Galiani ('gourou' économique de Diderot dans les années 1760), et l'article DESPOTISME de l'Encyclopédie, où de Jaucourt reprend mot à mot l'excellente définition de Montesquieu sur l'usure naturalisée par le despotisme.

Dans Della moneta (1751), le jeune Galiani établit une distinction entre monnaie et crédit; il attribue la baisse des taux d'intérêt en Europe (depuis le XVe siècle) non pas à l'or et à l'argent en provenance de l'Amérique, mais à la dolcezza del governo. Le sentiment de sécurité qui résulte de cette dernière conduit tout naturellement à une expansion de l'offre de crédit:

Per render bassi gl'interessi secondo l'esposto di sopra basta evitare il monipolio del danaro, e assicurare la restituzione. Perciò non è stata la sola abbondanza de' metalli preziosi che ha sbassate e quasi estinte le usure da due secoli in qua; ma principalmente la dolcezza del governo quasi in ogni regno goduta. Sieno le liti brevi, la giustizia certa, molta industria ne' popoli, e parsimonia, e saranno tutti i ricchi inclinati a prestare. Là dove è folla di offerenti, non possono esser dure le condizioni dell'offerta. Così saranno i poveri trattati senza crudeltà.

L'influence de Montesquieu est encore plus nette chez De Jaucourt, qui reprend un magnifique morceau de l'Esprit des lois (V.15) sur l'usure: "La pauvreté & l’incertitude de la fortune y naturalisent l’usure, chacun augmentant le prix de son argent à proportion du péril qu’il y a le prêter. La misère vient de toutes parts dans ces pays malheureux; tout y est ôté, jusqu'à la ressource des emprunts" (*). On remarquera la ressemblance avec Diderot: "...il faut que l’intérêt de la somme prêtée soit d’autant plus grand que les sûretés sont moindres" (HDI 1780, xvi.1).

(*) "...des fortunes" dans Montesquieu. Selon Jean Lacouture, Diderot et d'Alembert avaient demandé à Montesquieu d'écrire l'article DESPOTISME.
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Monday, February 27, 2012

LES LUMIÈRES RADICALES @ RÍO DE LA PLATA, II

AM | @agumack

Voici la deuxième partie de mon analyse —à l'aide de techniques dites de "Humanities 2.0" — de l'article publié par "Un Ciudadano" le 20 novembre 1810 dans la Gazeta Extraordinaria de Buenos-Ayres. Raynal et l'Histoire des deux Indes sont présents, bien entendu. Mais cette deuxième partie révèle surtout l'importance d'Helvétius. L'auteur, Mariano Moreno (ou Gregorio Funes), connait à la perfection De l’esprit et De l’homme. D'autre part, je crois avoir décelé la présence d'une édition de l'Esprit des lois avec des notes d'Helvétius: Œuvres complètes de Montesquieu, nouvelle édition avec des notes d’Helvétius sur l’esprit des lois. Paris: Didot, 1795.

De toute évidence, les bibliothèques de Buenos Aires étaient bien garnies ! Les révolutionnaires du Río de la Plata sont, à l'horizon 1810, à la recherche d'un vocabulaire républicain. Ils vont le puiser dans les textes des "Lumières radicales": Raynal, Diderot, Helvétius, d'Holbach, Condorcet, Volney, etc. Ce sont moins les idées d'Helvétius —sur l'importance des passions, par exemple— que ses prouesses en matière d'éloquence qui attirent l'écrivain porteño. D'ailleurs, c'est exactement ce que pensait David Hume peu après la publication de De l'esprit en 1758 (*).

* * *

Una autoridad sin freno es capaz de corromper al hombre mas virtuoso [1]. Nadie que conozca la frágil naturaleza del hombre puede dudar de esta verdad. Las pasiones, esos eternos enemigos del bien publico [2], armadas de una autoridad ilimitada, arrastran al Monarca, hasta el extremo de no conocer otro interés que el suyo propio, y desde el momento que súbditos no pueden desobedecer sin riesgo, ellos mismos vienen á ser los instrumentos de su avaricia, de su ambicion [3], y sus rapiñas. Algunas veces la naturaleza coloca sobre los tronos unos genios bienhechores [4]; y como si despues se arrepintiera, venga su falta con una larga série de príncipes ineptos, cuyo poder absoluto es el azote de la humanidad [5]. 

La constitucion de España dio á nacion los Monarcas revestidos de toda esta autoridad. Hubiera sido un prodigio de virtud [6] desconocido en los análes del mundo [7], que tarde o temprano no llegasen á los excesos de la arbitrariedad. Defectuosa esa constitucion por no haber puesto á sus Reyes en la feliz incapacidad [8] de hollar las leyes [9] inmutables, y fundamentales del orden, llegaron muchos de ellos á reconcentrar en sí mismos todo el reyno, y al paso que esclavos de sus ministros, se hicieron tiranos de sus vasallos. La nacion entonces no teniendo bastante energía para resistir abusos que el tiempo había erigido en principios [10], desespero de su destino [11], y se abandonó á la discrecion [12] del despotismo. Quando faltasen pruebas de esta verdad, sobrarían los males que la afligen. El despotismo es quien la ha puesto en el último declive de su ruina.

Si el despotismo al abrigo de una constitucion defectuosa [13] hizo tantos progresos en España, ¿qué deberia suceder en América, donde entraba por fórmula? Otro camino mas breve, aunque mas estrepitoso, llevó á esos mismos Reyes á la cima del despotismo en estos imperios. Ellos se formaron de la fuerza el único titulo de su dominacion. Despues de haberse jugado con los hombres por medio de los conquistadores, es á precio de su sangre [14] que compraron el derecho de gobernarlos. Las vidas de los que escaparon de estos estragos [15] no fueron miradas en adelante, sino como un don gratuito debido á su clemencia. Despues de estas ideas, ¿será posible concebir otra regla de la administracion [16], que la voluntad, y el interés del Soberano? No por cierto.

Todo ha concurrido [17] en América á entronizar el poder absoluto y arbitrario [18]. La opinion pública es la soberana de los hombres aun con prejuicio muchas veces de la razón. Echese una hojeada sobre la historia moral de las naciones [19], y se verá que no hay opinion tan absurda, que no haiga tenido pueblos enteros por sectarios. No hay sacrificios á que no les encuentre dispuestos, quando lo pide la opinion.

[1] UNA AUTORIDAD SIN FRENO ES CAPAZ DE CORROMPER AL HOMBRE MAS VIRTUOSO. Phrase de Fénelon: “…une autorité sans frein corrompt facilement l’homme le plus vertueux”; Fénelon cite ou traduit les Histoires d'Hérodote (Essai sur le gouvernement civil, dans Principes de Messieurs Bossuet et Fénelon. Paris: 1791, p. 235). C'est la seule édition antérieure à 1810. 

[2] A noter la contradiction avec l'apologie des passions chez Helvétius. C'est qu'entretemps, la Révolution française a eu lieu...

[3] INSTRUMENTO DE SU AVARICIA, DE SU AMBICIÓN. Helvétius: “…un instrument de son avarice…” (
De l’homme, 1773, Tome I, i.12, p. 45). Ce fragment provient d'un chapitre très violent contre l'Eglise. Voir aussi: “…vil instrument de l’ambition papale” (De l’homme, 1773, Tomo II, vii.7, p. 167). Preuves à l'appui!

[4] GENIOS BIENHECHORES. Helvétius: “…l’homme de génie le bienfaiteur de l’humanité…” (De l’esprit, 1758, iv.10, p. 146).

[5] EL AZOTE DE LA HUMANIDAD. Helvétius: “Le Despotisme, ce cruel fléau de l’humanité…” (
De l’homme, 1773, Tome II, v.9, nota 30, p. 68).

[6] UN PRODIGIO DE VIRTUD. Rousseau: “…d’abord un prodige de vertu” (
Rousseau juge de Jean-Jacques, in Collection complete des Œuvres de Jean-Jacques Rousseau, Tome 22. Genève: 1782, p. 15). Raynal: “…ce prodige inoui de vertu ne pouvoit durer.” (HDI 1780, ii.22, p. 465).

[7] LOS ANALES DEL MUNDO. D’Holbach: “…les délires des Rois sont inscrits dans les Annales du monde…” (
Politique naturelle, ou discours sur les vrais principes du gouvernement, ix.4, Londres, 1773, Tome II, p. 231).

[8] FELIZ INCAPACIDAD. Helvetius: “…le roi, borné dans son pouvoir, se trouve dans l’heureuse impuissance de nuire à ses sujets?” (
De l’esprit, 1758, iii.11).

[9] HOLLAR LAS LEYES. Bacon: “…soüiller les loix de la Charité & de la Société humaine.” (
Œuvres morales et politiques de Messire François Bacon. Paris, 1637, p. 20). C'est une possibilité.

[10] ERIGIDO EN PRINCIPIOS. Note d'Helvétius sur l'Esprit des lois de Montesquieu: “…c’est ériger les faits en principes…” (
Œuvres complètes de Montesquieu, nouvelle édition avec des notes d’Helvétius sur l’esprit des lois, Tome 2. Paris: Didot, 1795, pp. 16-17.)

[11] DESESPERO DE SU DESTINO. Vers de Voltaire dans Oreste: “Mais de notre destin pourquoi désespérer?” (
Œuvres complètes de Voltaire, Tome 4, 1784, p. 37).

[12] ABANDONÓ Á LA DISCRECION. Article de “T – n”:
ALEXANDRE I (Histoire d’Égypte), Supplément de l’Encyclopédie, Tome 1, p. 265: “…pour s’abandonner à la discrétion d’une mère…”

[13] CONSTITUCION DEFECTUOSA. Raynal: “…ce que la constitution avoit de défectueux…” (HDI 1780, xix.2, p. 60).

[14] CONQUISTADORES, A PRECIO DE SU SANGRE. Raynal: “…aux conquérans pour prix de leur sang…” (HDI 1780, vi.15, p. 450).

[15] ESCAPARON DE ESTOS ESTRAGOS. Raynal: “…échappées aux ravages des guerres & des tems…” (HDI 1780,
i.8, p. 34).

[16] REGLA DE LA ADMINISTRACION. Mably: “Un Prince ne viole jamais quelque règle de l’administration générale…” Doutes sur l’ordre naturel des sociétés politiques, in Collection complète des Œuvres politiques, philosophiques et morales de l’abbé de Mably,
Tome 9. Paris: Desray, 1794, p. 80).

[17] TODO HA CONCURRIDO. Raynal: “Tout a concouru depuis deux siècles…” (HDI 1780,
xix.1). Texte d'Alexandre Deleyre; Moreno a lu le Tableau de l'Europe pour sa Representación de los hacendados de 1809.

[18] PODER ABSOLUTO Y ARBITRARIO. Raynal: “…dans l’exercise arbitraire d’un pouvoir absolu” (HDI 1780, xiii.51, p. 261).

[19] LA HISTORIA MORAL DE LAS NACIONES. Helvétius: “Je consulterai d’abord l’histoire des Nations” (De l’homme, 1773,
Tome 1, IV.i, p. 279).

(*) David Hume à Adam Smith, 12 avril 1759: "I believe I have mentioned to you already Helvetius’s Book de l’Esprit. It is worth your Reading, not for its Philosophy, which I do not highly value, but for its agreeable Composition".
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Friday, February 24, 2012

DIDEROT ON INTEREST RATES
"La loi contre l'usure est propre à faire les usuriers" — Diderot

AM | agumack

Always the polymath, Denis Diderot wrote extensively on the subject of interest rates and credit markets. In Voyage de Hollande, he makes a clear distinction between "l’intérêt de l’argent entre particuliers" and public credit. Like Raynal, Diderot stands in awe of the Dutch Republic's powerful credit system: "Il ne faut pas oublier que l’intérêt de l’argent est à deux et demi pour cent". The son of a Langres coutelier, he never wavered from his belief in sound bourgeois values like paying debts punctually. In October 1781, he writes to Sedaine: "Vous me devez 349 livres. Si vous pouvez me les rendre sans vous gêner, tant mieux; s'il faut que vous vous gêniez, gênez-vous ... Si vous ne pouvez pas trouver cette somme dans votre bourse, cherchez-la dans celle de vos amis" (*).

* * *

In Histoire des deux Indes, Diderot warns Empress Catherine II not to push her despotic ways too far, lest oppression leads to the destruction of the credit system: "Un despote ne doit pas obtenir du crédit; & si quelques événemens singuliers lui en ont procuré, c’est une nécessité que les événemens qui suivent le lui fassent perdre" (HDI 1780, xix.2). Diderot's remarkable comments on usury (HDI 1780, iii.1), taken word by word from his Observations sur le Nakaz, are one of the key sources of Jeremy Bentham's Defence of Usury (1787). Just before that passage, Raynal notes that, in times of anarchy, uncertainty over the stability of property rights leads to soaring interest rates: "L’intérêt de l’argent étoit de cinquante pour cent".

In the absence of a credible third-party enforcer of contracts, the supply of credit naturally contracts. Adam Smith will make much the same point in 1776, albeit in more systematic fashion.

(*) See Pierre Lepape. Diderot. Paris: Flammarion, 1991, pp. 415-416.
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Monday, February 20, 2012

RAYNAL & LES PORTS

AM | @agumack

Avec une admirable ténacité, Guillaume-Thomas Raynal s'attache à décrire tous les ports, toutes les rades, toutes les baies et tous les bassins naturels connus dans les deux Indes. Dans El 'best-seller' que cambió el mundo, j'essaie d'en dresser un inventaire partiel. A cette description s'ajoute la remarquable prophétie de Diderot:

Dans ces sociétés mercantiles, la découverte d'une isle, l'importation d'une nouvelle denrée, l'invention d'une machine, l'invasion d'une branche de commerce, la construction d'un port, deviendront les transactions les plus importantes; & les annales des peuples demanderont à être écrites par des commerçants philosophes, comme elles l'étoient autrefois par des historiens orateurs (HDI 1780, vi.1, p. 328) (*).

Le port est le locus de la liberté et du progrès ! Ce paragraphe aura un considérable impact au début du XIXe siècle au Río de la Plata. Mais revenons à Raynal. Quels critères doivent remplir les ports et les rades afin de contribuer à l'essor des sociétés mercantiles? Avant tout: sûreté, commodité, profondeur, ampleur. Rien n'échappe à l'analyse de l'abbé: la direction et la force des vents, l'impetuosité des vagues, les ressources militaires. Voici quelques exemples:

. Alexandrie. "Le port occidental ou vieux est vaste & commode. Les vaisseaux de guerre & les vaisseaux marchands y sont également en sûreté" (HDI 1780, xi.3);

. Arsew. "Arsew, dont les dehors sont charmans, doit être l’Arsenaria des anciens. On y trouve d’assez beaux restes de plusieurs monumens. Sa rade est sûre, commode & assez fréquentée. Il s’y formeroit à peu de frais un port qui recevroit les plus grands vaisseaux" (HDI 1780, xi.7);

. Susa. "La rade de Susa, défendue par trois châteaux dont le plus moderne même tombe en ruine, quoiqu’il ne soit pas encore achevé, est très-dangereuse. Les vents d’est & de nord-ouest, qui la traversent, inquiètent sans cesse les vaisseaux, & font quelquefois périr ceux qui n’ont pas eu le tems de se réfugier dans la baie de Monoster" (HDI 1780, xi.6);

. Port-Farine. "Port-Farine, situé sur les ruines ou dans le voisinage de l’ancienne Utique, étoit autrefois & seroit encore sous un autre gouvernement que celui des Maures, un des ports les plus vastes, les plus sûrs, les plus commodes de la Méditerranée" (HDI 1780, xi.6);

. Boston. "L’ouverture de cette baie est défendue contre l’impetuosité des vagues, par quantité de rochers qui s’élèvent au-dessus de l’eau, & par une douzaine de petites isles, la plupart habitées. Ces digues, ces remparts naturels, ne laissent une libre entrée qu’à trois vaisseaux de front ... Quand même une flotte passeroit impunément sous l’artillerie du château, elle trouveroit au nord & au sud de la place, deux batteries qui, commandant toute la baie, l’arrêteroient à coup sûr, & donneroient le tems à tous les bâtimens, de se mettre à couvert du canon dans la rivière de Charles. La rade de Boston est assez vaste, pour que six cens voiles y puissent mouiller sûrement & commodément." (HDI 1780, x
viii.22).

(*) Diderot-Tacite, auteur d'annales: le monde antique comme miroir du monde moderne! Voir à ce sujet Russell Goulbourne: "Diderot and the ancients", in James Fowler (éd.). New Essays on Diderot. Cambridge University Press, 2011, p. 24.
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Friday, February 17, 2012

THE RAYNAL-SMITH PARADOX
"Penser produit le besoin de communiquer ses pensées" — Helvétius

AM | @agumack

Adam Smith read the Histoire des deux Indes with tremendous intensity. After some years spent at Kirkcaldy working on the Wealth of Nations, he arrived in London in early 1773, anxious to obtain fresh news and analysis on the ongoing conflict with America. It was there that he purchased HDI. Although Raynal is often cited in WN, there is no doubt in my mind that Smith's intellectual debt to the Frenchman is much greater than usually thought — especially with regards to the supply of credit in the colonies. I deal with these issues in chapter 5 of El 'best-seller' que cambió el mundo — and I am now preparing a more detailed paper.

According to a standard cliché, one would expect a British author to proceed cautioulsy, taking great pains to gather 'empirical' evidence, while his or her French counterpart would quickly embrace the abstractions of esprit systématique. Nothing of the sort occurs here. On the one hand, Raynal slams "les spéculateurs qui se laissent entraîner par l'esprit systématique, & qui ne balancent pas à construire une vérité générale de quelques succès particuliers" (HDI 1780, xiii.40, p. 309). On the other hand, Smith admires French authors precisely for their ... esprit systématique! The point is well made by Adam Smith biographer Nicholas Phillipson:

On top of this there was a life-long love of intellectual systems and the esprit systématique he associated with true philosophical thinking and which he had learned to admire as a student at Glasgow studying mathematics, natural science and the Stoics. It was a quality he associated with the French and which he found lacking in the English. As he put it in one of his two contributions to the Edimburgh Review of 1755-6:

'It seems to be the peculiar talent of the French nation, to arrange every subject in that natural and simple order, which carries the attention, without any effort, along with it. The English seem to have employed themselves entirely in inventing, and to have disdained the more inglorious but not less useful labor of arranging and methodizing their discoveries, and express them in the most simple and natural manner'.

If only Raynal (and Diderot) had been less apprehensive of the stigma attached to esprit systématique, the Histoire des deux Indes would stand today as one of the key political economy books of all time.

(*) Nicholas Phillipson. Adam Smith. A Life. London: AllenLane, 2010, p. 4.
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Tuesday, February 14, 2012

CONTREPOIDS OU "CONTRE-FORCES"?

AM | @agumack

J'ai la quasi-certitude que les chapitres 35 et 42 du Livre XVIII de l'Histoire des deux Indes sont une source-clé, sinon la source-clé, du Federalist #10 de James Madison: "De-là vient le systême des contre-forces, établi chez tant de nations" [voir]. Mais pourquoi parler de contre-forces au lieu de contrepoids, comme Helvétius ou Raynal? L'explication est claire: Diderot abhorre l'inertie.

Le poids peut être ... un poids mort. La force, en revanche, évoque l'énergie, la réaction, la vie. C'est tout ce qui compte en politique. Cette impression est plus nettement rendue dans les Observations sur le Nakaz (titre XII): « Ce qu’on objecte
aux contre-forces physiques d’un corps politique, surveillant l’autorité souveraine, me paraît peu solide, témoin le parlement d’Angleterre, qui me paraît une terrible contre-force au pouvoir. » (*)

(*) Voir Georges Benrekassa: "Diderot, Denis", Dictionnaire éléctronique Montesquieu.
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Monday, February 13, 2012

GONZALO PONTÓN & LA HISTORIA DE LAS DOS INDIAS (I)

AM | @agumack

El sábado compré, en la excelente librería ALIBRI de Barcelona (Balmes 26), el volumen editado por Gonzalo Pontón bajo el título Tratado de la barbarie de los pueblos civilizados, por Denis Diderot (Barcelona: Pasado & Presente, 2011). Se trata de una traducción de los principales pasajes del enciclopedista para la Histoire des deux Indes de Raynal. De entrada, la primera impresión es muy favorable: bonita tapa, magnífica ilustración, cómodo al hojear.

¡Un placer! El precio, como dirían mis amigos franceses, es limite: €20. En cuando al contenido, nada mejor para poner de relieve lo que el Sr. Pontón llama —con excelente criterio— la "indiscutible modernidad política" de Denis Diderot en la Historia de las dos Indias. Por fin contamos con cerca de 200 páginas, en castellano moderno, de esta obra tan singular. Por todo esto, y aunque me falta leer gran parte del libro, no dudo en afirmar:

¡ENHORABUENA!

En las próximas semanas espero comentar en más detalle aspectos relativos a la selección de textos y a la traducción (a cargo de Palmira Feixas). Hoy solamente diré un par de palabras sobre la Presentación de Gonzalo Pontón. Es un texto corto — demasiado corto. En solamente diez páginas, es natural que el autor haya deseado mantener al mínimo las referencias bibliográficas. Aún así sorprende, desde una perspectiva "radical", la ausencia de mención a Jonathan Israel o al siempre interesante —¡y disponible en castellano!— Diderot: del ateísmo al anticolonialismo de Yves Bénot [1].

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Mientras algunos autores franceses se empeñan en "des-diderotizar" a Raynal, el Tratado de la barbarie de los pueblos civilizados luce como una contundente propuesta de "des-raynalizar" a Diderot [2]. En este sentido, el Sr. Pontón está en buena compañía: en su monumental Democratic Enlightenment, Jonathan Israel se refiere a Raynal como 'Raynal': las comillas ponen de relieve la relativa insignificancia del abate, considerado como poco más que un nom de plume en la causa de la Ilustración radical. (Sobre este tema puntual, solo diré lo siguiente: I don't have a dog in this fight!)

No caben dudas sobre el interés que presenta el Diderot de 1770-1782 desde el punto de vista del pensamiento político. El "golpe judicial" de Maupeou, la Guerra por la Independencia en Norteamérica, el viaje a Rusia y el despido de Turgot lo llevan a adoptar una postura cada vez más radicalizada. Ningún aspecto del 'despotismo' escapa a su crítica mordaz — ni el depotismo comercial de la East India Company. De manera acertada, el Sr. Pontón destaca el pasaje sobre los Hotentotes en el Libro II. (En las próximas semanas publicaré la sensacional traducción del revolucionario rioplatense Mariano Moreno, editada en la Gazeta de Buenos-Ayres el 16 de septiembre de 1810).

Diderot también aparece, en la Historia de las dos Indias, como un decidido defensor del derecho de propiedad (con algunas reservas), de las formalidades judiciales en materia derecho penal, de los contrapesos institucionales y de la innovación empresarial. Y si abandona toda perspectiva eurocéntrica, no es menos cierto que la imagen de los pueblos no-civilizados en la HDI no es siempre halagüeña, particularmente en lo referido a la condición femenina. Un último punto: en línea con el enfoque de la Ilustración radical, el Sr. Pontón llama la atención sobre las diferencias entre Diderot y Rousseau. Solo añadiré esto: el enciclopedista rechaza de plano las utopías retrospectivas à la Rousseau-Mably.

El mundo que anticipa la Historia de las dos Indias es, desde más de un punto de vista, el mundo en que vivimos hoy — el de una insoslayable conectividad.

[1] Jonathan Israel. Democratic Enlightenment. Philosophy, Revolution, and Human Rights, 1750-1790 (New York: Oxford University Press, 2011) [ver].

[2] En la "Presentación" leemos que Raynal se exilia en la Rusia de Catalina II. Esto no es correcto; fue Friedrich Melchor Grimm, otro amigo íntimo de Diderot, quien partió hacia San Petersburgo.
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Saturday, February 11, 2012

LA PREUVE! (PRÉSENCE D'HELVÉTIUS, V)

AM | @agumack

C'est en prenant mon café ce matin à Piper's Tavern, un sympathique bar de Barcelone, que j'ai trouvé la preuve ... Il n'y avait pas de journaux; heureusement, j'avais emporté le tome III des Œuvres complètes d'Helvétius. C'est alors que je lis ce texte: "C'est ce sentiment qui tantôt les arme d'un courage opiniâtre comme d'une épée pour triompher des plus grands obstacles..." Des plus grands obstacles? "Hmm", je me suis dit, "voila qui ressemble bien à Raynal". Chers lecteurs: cette fois, je crois bien que c'est la preuve — le fragment sur Christophe Colomb dans le Livre VI de l'Histoire des deux Indes [voir] trouve sa source dans le premier volume de De l'homme d'Helvétius:

Plein de cette idée, l'une des plus grandes qui soient... (HDI 1780, vi.3, p. 7).

Que la découverte des grandes idées est l'effet de la confiance dans l'attention (De l'homme, 1773, Tome I, ii.24).
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...le firent enfin triompher de tous les obstacles. (HDI 1780,
vi.3, p. 7).

...pour triompher des plus grands obstacles... (De l'homme, 1773, Tome I, iii.23).

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Colomb ne fut pas rebuté par les difficultés. (HDI 1780, vi.3, p. 7).

...il se rebute, ne tente pas de nouvelles découvertes... (De l'homme, 1773, Tome I, iii.4, p. 294).
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...cette hauteur insultante que les hommes en place affectent... (HDI 1780, vi.3, p. 7).

...l'homme en place... (De l'homme, 1773, Tome I).
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...ame ferme, élevée, courageuse... (HDI 1780, vi.3, p.7).

Une ame noble & élevée... (De l'homme, 1773, Tome I, ii.16, p. 180).

Ces trouvailles sont-elles importantes? Quelle est la vraie date de la première édition de l'Histoire des deux Indes? 1770 ou 1772? Hmm...
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Friday, February 10, 2012

ECONOMIE POLITIQUE
"Tout est lié" Montesquieu

AM | @agumack

Disciple "radical" de Montesquieu, Guillaume-Thomas Raynal ne conçoit l'économie politique que dans le cadre des lois et des institutions de chaque pays. On chercherait en vain, dans l'Histoire des deux Indes, les éléments d'une "science séparée" de l'économie (*). Le commerce, le crédit, la monnaie et la population sont des phénomènes organiquement liés entre eux, et à l'évolution des institutions. Laissons parler l'abbé:

Mais les questions d’économie politique veulent être long-tems agitées, avant d’être éclaircies. J’avancerai sans crainte d’être contredit, que la géométrie transcendante n’a ni la profondeur, ni la subtilité de cette espèce d’arithmétique. Il n’y a rien de possible en mathématique, dont le génie de Newton ou de quelques-uns de ses successeurs n’ait pu se promettre de vemir à bout. Je n’en dirai pas autant d’eux, dans les matières qui nous occupent.

On croit, au premier coup-d’œil, n’avoir qu’une difficulté à résoudre: mais bientôt cette difficulté en entraîne une autre, celle-ci une troisième, & ainsi de suite jusqu’à l’infini; & l’on s’apperçoit qu’il faut ou renoncer au travail, ou embrasser à la fois le systême immense de l’ordre social, sous peine de n’obtenir qu’un résultat incomplet & défectueux. Les données & le calcul varient selon la nature du local, ses productions, son numéraire, ses ressources, ses liaisons, ses loix, ses usages, son goût, son commerce & ses mœurs.

Quel est l’homme assez instruit pour saisir tous ces élémens? Quel est l’esprit assez juste pour ne les apprécier que ce qu’ils valent? Toutes les connoissances des différentes branches de la société ne sont que les branches de l’arbre qui constitue la science de l’homme public. Il est ecclésiastique; il est militaire; il est magistrat; il est financier; il est commerçant; il est agriculteur (HDI 1780, xiii.55, pp. 488-489).

(*) Voir, à ce sujet, Céline Spector. Montesquieu. Liberté, droit, et histoire. Paris: Michalon, 2010, pp. 242-243 [
voir]. Catherine Larrère: "Montesquieu économiste? Une lecture paradoxale", in Catherine Volpilhac-Auger (éd.) Montesquieu en 2005. Oxford: Voltaire Foundation, 2005; F.T. H. Fletcher. Montesquieu and English Politics 1750-1800. Philadelphia: Porcupine Press, 1939, p. 53.
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Thursday, February 9, 2012

CHRISTOPHE COLOMB (PRÉSENCE D'HELVÉTIUS IV)
"Il est peu de Colomb " — Helvétius

AM | @agumack

L'homme de génie est une expression-clé dans l'Histoire des deux Indes. Toute une théorie du "leadership" se laisse entrevoir derrière des phrases comme celles-ci, en partie dues à Diderot: "...voilà l’homme de génie réduit au silence ou étranglé" (HDI 1780, x.13); "...un homme de génie, éclairé par un homme supérieur" (HDI 1780, x.15); "L’homme de génie passe trop vîte, ne laisse point de postérité." (HDI 1780, xi.4). Etc, etc. J'essaie de reconstruire cette théorie du leadership dans El 'best-seller' que cambió el mundo — mais je sais bien qu'il reste encore beaucoup de travail à faire.

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Christophe Colomb est, justement, l'un de ces hommes: "...Colomb profita d’un de ces phénomènes de la nature où l’homme de génie trouve quelquefois des ressources pardonnables à la nécessité" (HDI 1780, xiv.21). Un des traits caractéristiques du génie est la persévérance:

Ils le traitèrent long-temps avec cette hauteur insultante que les hommes en place affectent si souvent avec ceux qui n'ont que du génie. Colomb ne fut pas rebuté par les difficultés. Il avoit, comme tous ceux qui forment des projets extraordinaires, cet enthousiasme qui les roidit contre les jugemens de l'ignorance, les dédains de l'orgueil, les petitesses de l'avarice, les délais de la paresse. Son ame ferme, élevée, courageuse, sa prudence & son adresse, le firent enfin triompher de tous les obstacles (HDI 1780, vi.3, p. 7).

Je suis frappé, encore une fois, par les similarités entre l'Histoire des deux Indes et les livres de Claude-Adrien Helvétius. Dans De l'homme (1773), Helvétius désigne Christophe Colomb comme le prototype même du génie entraîné par "le désir vif & constant de gloire". Plus je lis Helvétius, plus une conviction s'installe dans mon esprit: De l'esprit et De l'homme sont des sources-clé de l'Histoire des deux Indes! Reste à résoudre, naturellement, la question des dates. Selon Jonathan Israel, De l'homme était "completed by 1769" (*). Trés intéressant ...

(*) Jonathan Israel. Democratic Enlightenment. Philosophy, Revolution, and Human Rights, 1750-1790 (New York: Oxford University Press, 2011) [info], p. 669.
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